Nous n’irons plus en festival

Valérie et moi sommes toujours franchement malades du COVID, onze jours après être rentrés du festival d’Angoulême. Grosse toux permanente, nez transformé en rivière, fatigue continue… le tout bien confirmé par deux nouveaux tests positifs avant-hier. Ce n’est pas qu’un gros rhume, ni même qu’une bonne grippe, c’est bien plus pénible, et nous commençons à être sévèrement fatigués. Bref, nous payons bien cher la levée prématurée des règles sanitaires.

Nous serons donc très probablement absents ce week-end au festival d’Hérouville-Saint-Clair, afin de ne contaminer personne. Même si le test de vendredi se montrait négatif, nous ne voyons pas trop comment nous serions en état physique d’ici là. Car si c’est pour tousser toutes les minutes dans son masque, ça va vite être intenable. Dommage, on ne verra pas tous les copains, la team Goldorak, l’Atelier virtuel… Nous sommes aussi bien sûr désolés pour nos lecteurs comme pour les organisateurs.

Pour la suite, il est assez probable que nous allons refuser de nous rendre en festival tant que la pandémie battra son plein et tant que des mesures sanitaires bien plus sévères ne seront pas appliquées par l’État ou par les organisateurs d’événements. En effet, on le sait maintenant, les variants actuels du COVID peuvent recontaminer n’importe qui quelques semaines seulement après avoir été malade ou vacciné. Même si nous ne sommes pas les pires victimes (il y a toujours plus de cent morts par jour), nous ne sommes pas prêts à revivre ce que nous traversons en ce moment. Sans parler du risque de refiler cette ***** à d’autres.

Nous étions trop K.O. cette semaine pour participer à la rédaction de ce message de la Ligue des auteurs professionnels sur le sujet, reproduit en bas de cet article. Nous sommes évidemment tout à fait d’accord avec ses recommandations mais nous irons personnellement sans doute plus loin, en tout cas tant que le virus circulera avec une telle intensité : si le festival ou la librairie n’impose pas le port strict du masque, ce sera sans nous.

Voilà, espérons que nous vous donnerons de meilleures nouvelles de notre santé bientôt. Surtout, bon courage à tous dans cette sixième vague. Surtout, protégez-vous : le COVID-19 n’est pas toujours qu’un rhume ou qu’une grippette.

Covid 19 : le monde du livre face à ses responsabilités

Communiqué de presse de la Ligue des auteurs professionnels

Depuis le 14 mars 2022, le port du masque n’est plus obligatoire en intérieur sauf dans les transports collectifs de voyageurs et les établissements de santé. Une décision gouvernementale qui n’est pas sans conséquence sur les lieux culturels et lieux de rencontre, à l’image des festivals et salons littéraires. En effet, le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se tenait du 17 au 20 mars a subi de plein fouet les conséquences de cet assouplissement des mesures sanitaires, avec la création d’un cluster qui a touché de nombreux auteurs et autrices et de nombreux festivaliers et festivalières. Une « édition sans masques ni pass sanitaire » (ndlr : l’affiche officielle du FIBD) qui a eu de graves conséquences sur les participants de ce festival.

Malgré ce relâchement des pouvoirs publics concernant les gestes barrières, il est utile de rappeler que les contaminations au Covid 19 continuent de progresser en France, avec plus de 127 000 nouveaux cas par jour enregistrés en moyenne sur 7 jours. Le 27 mars, on comptabilisait 110 000 nouveaux cas supplémentaires en 24 heures. Les personnes les plus fragiles, personnes âgées, malades chroniques, avec des comorbidités sont une fois de plus mises en danger par cette remontée épidémique. Également, les effets du « Covid long » commencent à peine à être quantifiés et ont de graves conséquences sur l’ensemble des malades.

C’est dans ce contexte que la Ligue des Auteurs Professionnels incite les organisateurs de festivals et salons littéraires à prendre des mesures pour protéger les participants à leurs événements, et encourage d’autant plus les auteurs et autrices à redoubler de vigilance. Il est essentiel que chacun mesure les conséquences de son comportement individuel sur le collectif.

Pour les festivals et salons littéraires, nous encourageons la mise en place d’un protocole renforcé :

  • Incitation au port du masque envers tous les festivaliers ;
  • Distribution gratuite de masques FFP2 ;
  • Protocole fiable d’aération des espaces tout au long de la journée ;
  • Communication responsable autour des gestes barrières ;
  • Gel hydroalcoolique à disposition ;
  • Protection des personnes à risques.

Pour les auteurs et autrices, nous invitons à la responsabilité individuelle :

  • Test antigénique ou PCR effectué avant le départ ;
  • Port du masque lors des dédicaces et des interventions ;
  • Eviter les rassemblements lors des moments de restauration en intérieur ;
  • Eviter les contacts physiques.

Tous ensemble, nous pouvons limiter les risques et éviter la formation de nouveaux clusters dans les événements culturels, salons et festivals, si importants pour nos professions !https://ligue.auteurs.pro/


Mise à jour

Dans la droite ligne de cette note de blog, j’ai signé la tribune « Rencontres culturelles : non aux clusters » : actualitte.com

Erreur système

Je viens de lire Erreur Système de Jenolab et Valérie Mangin, qui parait aujourd’hui chez Casterman BD. Comme j’avais pas mal échangé sur ce projet avec Valérie au tout début et que j’avais regardé par-dessus son épaule les excellents dessins de Jenolab, je pensais savoir à peu près ce que j’allais lire. Et bien non. Car ce que je n’avais pas anticipé, c’est le terrifiant réalisme de leur album.

Erreur Système est une histoire d’anticipation qui se passe « bientôt » dans une France qui s’est renfermée dans ses frontières. Un régime d’extrême centre y a quasiment éliminé la criminalité. Il faut dire que la population l’a bien aidé, acceptant en masse de se faire greffer des implants neuronaux connectés à Internet, sorte d’aboutissement ultime de notre dépendance actuelle aux smartphones. La plupart des gens semblent vivre dans un monde parallèle, repliés dans les fantasmes du numérique. Surtout, tous connectés, ils sont tous suivis à la trace par le système judiciaire. Mais pourquoi s’en inquiéter, « Quand on est honnête, on n’a rien à cacher » dit un des personnages. À tel point que les implantophobes sont facilement soupçonnés des pires dérives. À tel point que les derniers clandestins, traqués sans relâche, semblent presque réduits à une légende urbaine.

« Bientôt » ? Ce monde est hélas devenu beaucoup plus réaliste depuis que Valérie a écrit son scénario. Il faut dire qu’entre temps la société Neuralink d’Elon Musk a dévoilé des implants neurologiques fonctionnels sur des cochons et a présenté comment les implanter simplement et massivement dans nos cerveaux. Premier test sur l’humain annoncé pour 2022. C’est à dire maintenant.

Mais Erreur Système est bien plus qu’une leçon de morale dystopique, car Jenolab et Valérie ont parfaitement réussi à donner vie à Anastasia, leur héroïne. L’album commence quand, dans ce futur tristement pacifié, des attentats à la bombe viennent remettre en cause toutes les certitudes sécuritaires. En pleine élection présidentielle (tiens tiens), Anastasia mène l’enquête. Policière mais un peu trop implantophobe, elle est sans doute la mieux placée pour démanteler un réseau terroriste qui échappe aux outils de surveillances pourtant omniprésent. Hélas pour elle, elle va aller regarder là où il ne faut pas. En particulier vers la Crypte ou sont stockées les données de surveillances des français…

Bref, je viens de lire une excellente BD d’anticipation, une histoire forte, pleine de retournements et de surprises, qui décrit à la perfection le bout du chemin de nos dérives actuelles, mais aussi, et surtout, l’histoire d’une héroïne en quête de ce qu’il reste encore de notre humanité. Et comme le montre les images ci-jointes, c’est visuellement très beau. C’est donc clairement ma grosse recommandation SF du moment !

Satan joue de l’orgue

Il semblerait qu’en 2021, des intégristes catholiques puissent faire la loi en France. Après avoir empêché le concert d’Anna von Hausswolff dans une église de Nantes, c’est celui de Saint-Eustache à Paris qui a dû être déplacé hier « pour des raisons de sécurité ».

Anna Von Hausswolff jouant de l’orgue, il y a pourtant une certaine évidence à ce que ses concerts se tiennent sur les magnifiques instruments qu’abritent les églises françaises. Rappelons aussi qu’on ne joue pas que de la musique sacrée dans ces églises et ce depuis longtemps. D’ailleurs, les autorités ecclésiastiques avaient donné leur plein accord à ces deux concerts.

Alors, la musique d’Anna Von Hausswolff serait-elle vraiment « sataniste » ? Je vous laisse découvrir à quoi ressemble le soit-disant satanisme dans les cerveaux rabougris de certains :

 

Pour en savoir plus :

Facebook entre censure et haine

La censure imbécile de Facebook bat tous les records de n’importe quoi. Et pendant ce temps, les prêcheurs de haine passent entre les mailles des algorithmes, voire sont mis en avant…

Amis passionnés de guitare, surtout n’utilisez pas le mot « p*dale » (remplacez le * par un e, des fois que ça ne soit pas évident…) dans vos posts et vos commentaires car le grand méchant algorithme de FB considère que c’est une insulte homophobe que vous proférez… et vous avez un avertissement la première fois et un bannissement temporaire la seconde. Cela vient de m’arriver.www.facebook.com

Donc, des utilisateurs modérés se font bannir par les algorithmes de Facebook juste pour avoir utilisé un mot courant de la langue française ? Un mot qui est parfois une insulte, mais ne l’est évidemment pas dans la plupart des cas ? Même les mécanismes de censure automatique des premiers forums Internet il y a vingt ans étaient moins ridicules…

En parallèle, d’anciens employés de la compagnie confirment ce qu’on avait pressenti : c’est volontairement que le réseau social ne modère pas nombre de contenus mensongers et haineux. Et les tests anonymes de prouver, au contraire, que ces algorithmes favorisent la diffusion de cette haine en ligne…

« Le voyage de Carol vers QAnon », un rapport interne envoyé à la SEC (l’autorité boursière), évoque également la création d’un faux compte par un chercheur payé par l’entreprise pour étudier la polarisation de ses utilisateurs. D’après lui, dès l’été 2019, cette fausse mère de famille conservatrice était exposée à un « torrent de contenus extrêmes, conspirationnistes et choquants », dont des groupes liés à QAnon. Sans que le compte ne donne jamais d’intérêt aux groupes de cette mouvance, l’algorithme poussait continuellement leurs contenus, qui enfreignaient pourtant les règles de la plateforme. Facebook aurait conduit plusieurs expériences similaires ces dernières années, toujours avec le même résultat : les groupes extrémistes étaient largement mis en avant. www.clubic.com

Que faire ? Facebook est une entreprise privée et ne risque rien à saper la démocratie tant qu’elle n’enfreint pas ouvertement la loi. Sommes-nous donc totalement désarmés face aux médias sociaux ?

Non. Rappelons qu’un précédent existe : celui de l’audiovisuel, qui est, lui, soumis à un encadrement strict et à un contrôle par une autorité publique, le CSA. Inspirons-nous de ce modèle. Décidons que, au-delà d’une certaine taille (1 millions d’utilisateurs ?) les réseaux sociaux, moteurs de recherche, commerces en ligne, tous ces services devenus bien trop incontournables, doivent être soumis à un sévère contrôle démocratique. Une ou des autorités publiques, peut-être à l’échelle européenne, doivent pouvoir vérifier les algorithmes des géants du web, et, le cas échéant, sanctionner leurs dérives antidémocratiques ou monopolistiques.

Rappelons que la plupart de ces sociétés ont plié devant les exigences de la Chine. Il serait peut-être temps que nous, en Europe, nous leur imposions nos exigences démocratiques.

 

Loi sécurité globale : très sévère avis du Défenseur des droits

Je me suis inquiété plus d’une fois sur ce blog de la dérive autoritaire et sécuritaire en France. Il est à craindre pourtant que nous continuions de dévaler cette mauvaise pente avec la proposition de loi n°3452 relative à la sécurité globale, examinée depuis mercredi par les députés.

Heureusement, il n’y a pas que les organisations de défense des droits de l’homme et les militants des libertés publiques qui s’insurgent contre elle. Aujourd’hui, c’est la Défenseure des droits qui vient d’émettre un très sévère avis sur cette proposition de loi.

Autorité indépendante chargée de veiller au respect des règles de déontologie par les professionnels de la sécurité, publique comme privée, le Défenseur des droits a apporté ses observations dans un avis publié ce jour sur la proposition de loi relative à la « Sécurité globale ».

La Défenseure des droits, Claire Hédon, considère en effet que cette proposition de loi soulève des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information.

Elle est particulièrement préoccupée par les restrictions envisagées concernant la diffusion d’images des agents des forces de sécurité dans l’exercice de leur fonction. Elle demande à ce que ne soient, à l’occasion de ce texte, entravés ni la liberté de la presse, ni le droit à l’information. Elle tient en effet à rappeler l’importance du caractère public de l’action des forces de sécurité et considère que l’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique, comme à l’exercice de ses propres missions de contrôle du comportement des forces de sécurité.

Dans son avis, la Défenseure des droits souligne également les points suivants comme étant susceptibles de porter atteinte à des droits fondamentaux :

– La possibilité pour les policiers municipaux et les agents de la ville de Paris de consulter les images des caméras de vidéo protection – habilitation jusque-là strictement encadrée – porterait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée. Ces images étant de nature à permettre l’identification des personnes, cette disposition serait contraire à nos engagements européens comme à nos obligations constitutionnelles.

– L’exploitation en temps réel des images des caméras piétons des policiers, sans objectif explicite dans le texte, est susceptible de porter une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée.

– Enfin, le recours aux drones comme outil de surveillance ne présente pas les garanties suffisantes pour préserver la vie privée. En effet, les drones permettent une surveillance très étendue et particulièrement intrusive, contribuant à la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel.

La Défenseure des droits suivra avec la plus grande vigilance la suite des discussions parlementaires.

Les nouveaux westerns

SpaceX et Elon Musk déclarent qu’ils établi­ront leurs propres lois sur Mars

SpaceX, l’en­tre­prise aéro­spa­tiale privée d’Elon Musk, ne recon­naî­tra pas le droit inter­na­tio­nal sur Mars, révèlent les condi­tions géné­rales de son projet d’in­ter­net par satel­lite Star­link. Elle compte y établir ses propres lois, guidées par des « prin­cipes d’au­to­no­mie », qui seront défi­nies au moment de la colo­ni­sa­tion de la planète rouge, rapporte The Inde­pendent ce 29 octobre.
Sarah Ben Bouzid / Ulyces.com

Les lecteurs d’Universal War one doivent être à peine surpris d’apprendre que SpaceX, la société privée d’Elon Musk, lancée dans la colonisation de Mars, compte donc ne reconnaitre aucun droit national ou inter­na­tio­nal si elle y arrive. On est bien dans l’idée des CIC d’UW1 (Compagnies industrielles de colonisation), totalement indépendantes et totalement au service, hélas, d’intérêts économiques et particuliers.

Il faut bien réaliser que dans la tête de tous ces Américains, et pas que, la conquête spatiale privée, c’est la “nouvelle frontière”, la nouvelle conquête de l’ouest, le Far West quoi. Si on y ajoute la volonté du capital de ne plus contribuer au national et au collectif, fiscalement bien sûr, mais aussi sur plein d’autres terrains…

Bref, quand j’ai écrit UW1, il me paraissait évident qu’il ne pourrait pas en être autrement.

Comment vont répondre les États ? Vont-ils, comme dans UW1, réussir à s’entendre au sein de l’ONU pour garder encore quelques décennies un certain contrôle sur cette privatisation du système solaire ? Ou au moins en tirer un certain profit pour leurs populations ? Ou vont-ils continuer à laisser faire les multinationales comme aujourd’hui ?

En espérant que la réalité me donnera tort et que tout ça ne se terminera pas en guerre.

Universal War One – tome 5

Deux vrais complots

Voici deux documentaires à voir sur deux mouvements extrêmement dangereux pour la démocratie aux USA, et qui ont compté ou comptent des millions d’Américains dans leurs rangs. Sachant que Leurs liens avec l’actuelle élection présidentielle américaine sont plus qu’effrayants…
QAnon

Plusieurs millions d’Américains sont aujourd’hui convaincus par la théorie du complot QAnon. Pour faire très court, un vaste réseau satanique regrouperait des élites politiques, financières et médiatiques, dans le but principal de commettre des crimes pédophiles. Au cœur de ce délire complotiste, les messages crypto-prophétiques d’un mystérieux Q publiés à partir d’octobre 2017 sur les forums anonymes 4chan et 8kun.

Trois ans après, des millions de citoyens lambda sont maintenant persuadés que Donald Trump mène une guerre secrète contre ce réseau pédo-satanique qu’ils pensent très sérieusement dirigé par les Clinton, Obama, Biden et autres démocrates en vue, ainsi que par un soi-disant “Deep State” qui gangrénerait l’État américain. Et Donald Trump de ne surtout pas démentir…

Tous ces braves gens sont tellement sûrs qu’ils sont en guerre contre le mal absolu que de plus en plus sortent des réseaux sociaux pour en venir aux armes et au meurtre. Bref, QAnon, c’est le moment où une théorie du complot devient elle-même un très grave complot contre la démocratie.

La première partie de ce documentaire retrace la naissance de QAnon. À regarder absolument :

Ku Klux Klan

Le Ku Klux Klan a plus de 150 ans d’existence. Il a compté plus de 3 millions d’Américains dans ses rangs. Ses convictions racistes ont irrigué une bonne partie de l’histoire des USA. C’est en fait le plus vieux groupe terroriste en activité dans ce pays. Je ne peux que vous recommander de voir ce passionnant documentaire proposé en replay par Arte :

Lactalis, l’ogre du lait

Il y a quatre ans, je parlais de la prise de contrôle de Graindorge par le groupe Lactalis. Je m’inquiétais de l’impact que ça aurait sur le Camembert de Normandie. À juste titre, puisqu’à peine deux ans plus tard, cette AOP se retrouvait en effet grandement menacée par Lactalis et son allié Isigny-Sainte-Mère.

Il faut dire que cette multinationale bien française est régulièrement impliquée dans des scandales sanitaires, écologiques et sociaux1. Fraude sur le lait et les fromages, recyclage de produits périmés, entente sur les prix, lait infantile contaminé, refus de publication des comptes annuels, baisse unilatérale de la rémunération des producteurs et éjection de ceux qui osent dénoncer les pratiques du groupe.

Aujourd’hui, une grande enquête est publiée par DIsclose, site web d’investigation des plus sérieux, en partenariat avec Mediapart, Envoyé Spécial, France Culture, Brut, The Guardian et Le Poulpe. C’est un véritable film d’horreur. Il est vraiment temps que la justice force les portes de cette société et y fasse un grand ménage, au propre comme au figuré :

Personnellement, je boycotte autant que je peux cette entreprise. Mais ce n’est pas simple vu sa taille.

Lactalis, c’est l’ancienne fromagerie Besnier fondée à Laval en 1933, devenue en moins d’un siècle un des ogres de l’agro-alimentaire. C’est la plus grande entreprise de transformation de produits laitiers au monde après le groupe suisse Nestlé. Ce serait la première entreprise agro-alimentaire de France en chiffre d’affaire, devant Danone. Lactalis emploie environ 85 000 salariés dans plus de 250 sites industriels à travers le monde, pour un chiffre d’affaire annuel de 20 milliards d’euros.

Ses marques sont partout. Dans le camembert, c’est Président, Lanquetot, Lepetit, Graindorge et toutes leurs sous marques. Dans les autres fromages, c’est roquefort Société, Bridel, Bridélight, Rondelé, Chaussée aux moines, Primevère, Salakis, Istara, P’tit Basque, Lou Pérac, Corsica mais aussi Galbani, Santa Lucia… Dans le lait et le beurre, ce sont les marques Lactel, Président, Bridel, Puleva… Enfin, pour les bébés et enfants, ce sont les marques Celia, Picot, Taranis, Milumel…

Lactalis ne travaille pas toujours seul. Dans sa société conjointe avec Nestlé, Lactalis fabrique les yaourts et desserts La Laitière, Yoco, Flanby, Sveltesse, Viennois, B’A ainsi que des produits Lion, Kit Kat, Smarties… Lactalis possède aussi un quart de Bel, c’est à dire de La Vache qui rit, Sylphide, Babybel, Leerdamer, Boursin, Kiri…

On le voit, on se nourrit tous plus ou moins chez Lactalis, venant enrichir la famille Besnier qui possède la totalité du capital de la société, pour une fortune estimée à 12 millards d’euros. La transparence n’est déjà pas le fort du monde des affaires, mais en étant absente des marchés boursiers, Lactalis n’a de comptes à rendre qu’à la famille Besnier, au point même de refuser de publier ses comptes annuels au mépris de la loi.

Combien d’enquêtes effrayantes et de procès va-t-il falloir pour que Lactalis arrête toutes ses mauvaises pratiques ? Combien d’appels au boycott avant que la population fasse payer lourdement en magasin les trop nombreuses dérives de ce groupe ?

 

Notes

Un minimum de sérieux ?

Quand même, ça fait un peu peur de voir le grand n’importe quoi avec lequel Amazon.fr traite nos livres.

Je découvre que la plateforme de vente en ligne a attribué notre prochain livre, Inhumain, à une certaine Geneviève Mangin au lieu de Valérie Mangin, et ce comme illustratrice au lieu de scénariste. Bon, heureusement, Thibaud De Rochebrune et moi n’avons pas été virés. En fait, si, mais sur l’édition spéciale, qui n’a plus d’auteur du tout. Toujours plus fort, elle est classée, accrochez-vous, en « Livres › Sciences, Techniques et Médecine › Personnages scientifiques ». Enfin, les deux éditions sont marquées comme brochées au lieu de reliées…

On se demande qui indexe les livres chez Amazon. Si c’est même fait en France, voire par un humain. Franchement, Amazon, histoire de sauver au moins les apparences, embauchez un vrai libraire formé pour ce poste-là.

Précisons que d’autres librairies en ligne ne font souvent pas beaucoup mieux. N’est-ce pas étrange pour ces commerçants de se montrer aussi incompétents et depuis aussi longtemps sur ce qui est pourtant la vitrine de leur activité ? Imaginerait-on un marchand de fruits et légumes marquer fraises sur des framboises ?

Autofichage politique de précision

Ces derniers jours, un test politique refleurit sur Facebook. On vous promet de vous donner votre positionnement politique exact si vous remplissez un petit questionnaire sur  le site irdlabs.com.

Enfin, petit, c’est vite dit : le questionnaire compte tout de même  trente-six questions. Avec autant de réponses, on peut en effet établir un profil politique assez précis. Cela veut donc dire que, si c’est proposé par un ami sur Facebook, beaucoup vont aller dévoiler leurs opinions politiques profondes à un site web inconnu.

Quand on voit la sensibilité de la plupart de ces mêmes personnes sur leurs données personnelles, on s’étonne. J’ai vu, par exemple, une partie de ceux qui ont rempli ce test se plaindre en parallèle de l’application StopCovid, dénonçant un risque de surveillance par l’État. Alors pourquoi les mêmes passent-ils de longues minutes à déclarer leur pensée politique profonde à une entreprise inconnue ?

Se sont-ils seulement demandés qui est derrière ce site web ? Qui est IRDlabs ? D’autant plus que c’est une vraie question, vu l’absence d’information à ce sujet sur leur site. Quand on l’explore, on découvre surtout de très nombreux tests, qui ne portent pas que sur les opinions politiques, mais aussi religieuses, sexuelles… C’est donc clairement très intrusifs, et dans tous les domaines. Si le site possède une page sur sa politique de confidentialité, il est impossible de trouver nulle part une information sur IRDlabs. Est-ce une société ? Qui sont ces dirigeants ? Dans quel pays est-elle déclarée ? À quelle législation est-elle soumise ?

Si on cherche à savoir dans quel pays se trouve ce serveur web, on s’aperçoit qu’il est abrité derrière les services de Cloudfare, un outil qui empêche, entre autres, de le localiser. Quand on fait une recherche whois sur le domaine irdlabs.com, on n’a pas plus de coordonnées ou d’identification Mais on découvre que ce domaine est déclaré aux Bahamas, un paradis fiscal bien connu pour son manque de transparence et de collaboration judiciaire. Très rassurant.

On pourrait s’en moquer en se disant que les opinions qu’on va déclarer sur ce site restent anonymes, vu qu’on ne donne pas son nom ou son adresse, mais que son adresse IP. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Quand quelqu’un s’y connecte via Facebook, IRDlabs récupère une information, le fbclid que Facebook ajoute à toute adresse, qui permet de suivre un utilisateur ou une source. Et, bien pire, si cet utilisateur partage les résultats depuis le site lui-même, comme j’ai vu beaucoup le faire, cela offre à IRDlabs la possibilité de capturer son identité à ce moment-là, et de la lier aux données récupérées…

En clair : si ce site a décidé de ne pas respecter l’anonymat qu’il promet, si cette société bien cachée est aussi malhonnête que cela le laisse penser, elle doit être en train d’établir des fichiers d’opinions politiques, sociales, religieuses et sexuelles sur des millions d’utilisateurs. Le scandale Cambrige Analatyca de 2018 a déjà montré que non seulement des sociétés dûment déclarées et enregistrées ne se gênaient pas pour le faire, jusqu’à influencer les résultats de l’élection américaine, alors imaginons ce que peut faire cette société fantôme…

Je m’étais alarmé il y a quelques temps, dans cette note de blog, de voir apparaître des initiatives sur ces même réseaux sociaux qui permettaient à n’importe qui d’établir très facilement des listes de militants gilet jaune. Il est vraiment temps que nous, citoyens, commencions à réfléchir à qui nous confions nos opinions et nos données, et qui pourrait bien s’en servir pour nous manipuler à grande échelle en retour.