Remplaçable ? Remplacé !

Nous avons tous compris que dans beaucoup de domaines, des travailleurs bien humains vont se faire remplacer par des “intelligences artificielles”. Mais dans quelle proportion ? Dans les métiers intellectuels, certains prédisent que ce sera plus de la moitié des postes.

Mais il faut arrêter de parler de tout cela au futur.

Onclusive, société française spécialisée dans la veille média et les outils de relations publiques vient d’annoncer qu’elle virait 217 salariés sur 383 et utilisera à la place de l’intelligence artificielle. C’est donc 56% de ses effectifs qui sont remplacés du jour au lendemain par un logiciel.

Dire que le développement de ces IA n’en est qu’à ses balbutiements. Depuis des décennies, les robots ont expulsés massivement les ouvriers du marché du travail ? C’est maintenant au tour des cols blancs de se faire liquider.

Ça promet.

Non-droit à l’image

Hier soir, mon confrère Jean-Christophe Menu a quitté Facebook, principalement par lassitude des pubs et du grand vide qu’on y croise sans arrêt. J’ai éteint l’ordinateur après un dernier échange avec lui où je lui disais que, en ce moment, tout nous donne plutôt envie de se retirer du monde.

Ce matin, en allumant mon ordinateur, je tombe justement sur sa tête en train de me dire quelque chose… qu’il ne serait pas du genre à dire. C’est le partage par un ami d’une image postée par un compte « La cle de la Renaissance » remplie de citations et d’illustrations new age et de propositions de « soin Énergétique ». Je découvre rapidement que cette image circule depuis plus d’un an sur les réseaux, sur des comptes genre « Proverbe Du JOUR » (Sainte Typographie, priez pour nous).

Mais qui a eu l’idée saugrenue d’utiliser ainsi ce portrait de Jean-Christophe par le photographe David Rault ? Est-ce juste parce que le regard de JC y est particulièrement intense ? Et d’où sort cette « citation » plaquée dessus ? Une métaphore informatique qu’on imagine bien mal dans la bouche de JC en tout cas…

Et surtout, n’importe qui peut donc retrouver sa tronche sur Internet disant n’importe quoi. On imagine l’enfer que ce serait de faire effacer les milliers d’occurrences de ce genre de partages. et surtout le coût en avocats et huissiers…

Jean-Christophe, tu as vraiment bien fait de te casser des réseaux.

Compétitivité ?

J’entends ce matin sur France Culture la sociologue Gwenaële Rot expliquer que les producteurs internationaux de cinéma trouveraient la France « compétitive ». Entre autres explications, ce serait parce qu’il n’y a pas ici de syndicats puissants comme les « unions » aux USA. Pour preuve, en ce moment, la grève des scénaristes de la Writers Guild of America met tout Hollywood à l’arrêt. Au contraire, en France, les investisseurs n’ont pas à s’inquiéter de ce genre de fronde, vu qu’il est interdit aux syndicats de verrouiller l’accès à une profession comme le font les « unions » aux USA.

La « compétitivité » de la France sur le plan culturel c’est donc, entre autres, d’empêcher les auteurs et autrices de pouvoir réellement se défendre collectivement. Et quand nous disons aux élus ou au gouvernement que c’est, en conséquence, à l’État de nous protéger, on nous renvoie soit à la négociation contractuelle individuelle, dont on sait qu’elle n’est réellement possible que pour les quelques auteurs à succès, soit à la négociation collective dont le rapport Racine a démontré toute l’inévitable faiblesse vu les rapports de force actuels.

La « compétitivité » de la France sur le plan culturel c’est donc de maltraiter les auteurs et autrices. C’est donc de paupériser ceux qui sont au départ des œuvres audiovisuelles. Mais c’est, en même temps, de se demander pourquoi nos productions nationales s’exportent si mal et de regretter l’époque ou la culture française rayonnait à l’international. Sans réaliser qu’il y a peut-être là un lien de cause à effet.

En fait, la « compétitivité » de la France sur le plan culturel c’est d’avoir précarisé au maximum le département « recherche et développement » que sont les auteurs et autrices et de s’étonner, après, de se faire doubler par tous ceux qui continuent à investir dans l’avenir.

Retraite + IA = ?

Deux actualités se télescopent alors qu’elles ont l’air de n’avoir rien en commun : la première est celle de la réforme des retraites, qui repousse encore une fois l’âge de départ, et l’autre l’arrivée d’intelligences artificielles de création de contenus de plus en plus puissantes.

D’un côté, j’entends de gens qui ont fait de longues études dire qu’ils travailleront jusqu’à 64 ans, voire 67, tant pis. De l’autre j’entends en parallèle Goldman Sachs prédire le remplacement de l’équivalent de centaines de millions d’emploi, et en particulier dans les emplois administratifs et intellectuels.

En clair, pour tous ceux qui se croient plus ou moins capables d’endurer la réforme des retraites, il va non seulement falloir arriver en bonne santé à l’âge de départ, mais il va falloir prier de ne pas être devenu obsolète avant. Miam miam.

Paranoïa numérique

Ce matin, je vois passer sur Facebook « une image de la NASA montrant le lancement de la navette Atlantis en 2006 prise par un avion de très haute altitude, le WB-57 ». Peu d’internautes l’auraient sans doute questionnée il y a encore un an, mais là, tout de suite, beaucoup parlent de trucage ou d’IA.

En fait, c’est bien la photo du lancement, mais recadrée, avec de l’ajout de flou sur le fond, ce qui lui donne cette apparence de maquette photographiée au macro-objectif. C’est donc une vrai-fausse image réelle, une version esthétisée d’une photographie.

Avec l’apparition des images générées par IA, pas mal de gens sont en train de devenir plus prudents avec ce qu’on leur montre. Et cela va devenir le cas dans tous les domaines touchés par les IA de génération de contenus. On peut s’en réjouir, mais on peu aussi s’en inquiéter. Ce monde numérique des fake news, des arnaques e-mail, des virus et des contenus IA ne serait-il pas en train de nous rendre tous complètement paranoïaques ?

Le ministre de l’Intérieur menace la LDH

La Fédération internationale pour les droits humains réunit 188 organisations de défense des droits de l’Homme. Aujourd’hui, elle se retrouve à devoir apporter son soutien à un de ses membres fondateurs, la Ligue des droits de l’Homme française.

Pourquoi ? Parce que l’actuel ministre de l’Intérieur menace la LDH de graves représailles économiques pour avoir osé documenter tout ce qui ne va pas dans le maintien de l’ordre en France.

S’en prendre aux organisations de défense des droits humains comme aux syndicats n’est pas un geste mineur. Ce gouvernement passe son temps à dénoncer les extrêmes, mais semble être capable de dériver tout seul vers le pire.

 

 

Auteurs : professionnels précaires, retraités précaires

On aurait pu croire que la réforme des retraites allait, au moins, profiter aux plus petites pensions. Mais il devient très clair que bien peu sont concernées par la fameuse hausse à 1200 euros annoncée par le gouvernement. En gros, si vous avez une carrière incomplète, si vous avez travaillé à temps partiel ou si vous avez été sans emploi un temps, vous ne ferez pas parti des « veinards ». Quand c’est BFMTV qui l’écrit, et non l’Humanité, on commence à savoir à quel point cette réforme coûtera beaucoup à tous sans vraiment profiter aux plus faibles.

Qu’en est-il pour les auteurs et autrices ? Avec l’absence de tout contrat de travail comme de l’assurance chômage, leurs carrières sont souvent en dents de scie. Dans le milieu de la Bande Dessinée, elles ont en plus du mal à démarrer réellement avant 25 ans… Avec des cotisations en vrac, on peut donc imaginer ce qui attend les auteurs à la retraite.

On pourrait se dire qu’heureusement, dans la création artistique, on ne prend jamais réellement sa retraite, et qu’on peut cumuler des revenus de la création avec sa mauvaise pension. Ce serait penser que la plupart des artistes-auteurs sont encore au travail à 64 ans. Hélas, si on continue à créer en général jusqu’à sa mort, il est très dur de rester toute sa vie professionnel au sens d’en tirer des revenus suffisants. Suffisant ne serait-ce que pour acquérir par ce biais des trimestres de retraite.

Pour la BD, l’étude des États généraux de la Bande Dessinée de 2016 a montré cette entrée tardive dans le métier mais aussi une éviction précoce à partir de 50 ans. Dans les faits, je vois bien que la plupart de mes jeunes collègues des années 90 ont dû changer de métier depuis. Le succès est déjà rare dans nos pratiques, mais conserver un succès plusieurs décennies confine au véritable miracle. La plupart des auteurs gagnant moins que le SMIC mensuel ils finissent, à un moment, par craquer et se réfugient, s’ils le peuvent, dans un métier moins précaire. Ceux qui restent n’ont plus qu’à prier pour ne pas être ringardisés et remplacés par de jeunes entrants toujours plus nombreux et souvent moins chers…

On le voit, être artiste-auteur aujourd’hui, c’est la promesse pour la très grande majorité d’être des professionnels précaires. Et c’est la certitude derrière cela d’en payer le prix durant la retraite. Cette précarité n’est pas l’apanage des créateurs. Elle se répand dans toute notre société au fur et à mesure que le salariat est remplacé par l’indépendance. Combien de millions de Français sont-ils condamnés au minimum vieillesse ? Il est vraiment urgent de penser une réforme des retraites qui permettra à toutes et tous de vieillir dans la dignité. Et pour cela de repenser un marché du travail qui permettra à toutes et tous de travailler et de cotiser dans la dignité.

Mémoire des prix

Source : facebook.com

L’ami Fred Beltran écrit sur Facebook qu’il doit se résoudre à se débarrasser de vieux Macintoshs pourtant acquis à prix d’or à l’époque. Que de souvenirs. En me remémorant le PowerMac qu’on avait acheté à deux avec Mathieu Lauffray, hors de prix pour de jeunes artistes débutants, j’ai donc commenté que ces ordinateurs « coûtaient un rein ». Mais certains me répondent que « ça n’a pas vraiment changé aujourd’hui ». Rien de moins sûr.

Sur la publicité d’époque, on peut voir le prix de la gamme des Macintoshs de 1994.

Si on convertit en euros les 20 000 Francs HT d’un PowerMac 7100, en tenant compte de l’inflation évidemment, on obtient presque 5 000 € HT / 6 000 € TTC d’aujourd’hui. Ce PowerMac 7100 de 1994 à 6 000 € a en gros comme équivalent dans la gamme aujourd’hui le Mac Mini M2 ”pro” à 1 500 €. C’est donc 4 fois moins cher. En performance, c’est évidemment sans comparaison.

Pour rappel, les tarifs du Mac Mini M2 de 2023 commencent à 700 € (et c’est déjà une sacrée bête de course à ce prix). Même le Mac Studio Ultra, horriblement cher, n’est « que » à 4 500 €.

Bref, les prix des PC comme des Mac se sont totalement effondrés en 30 ans à gamme égale. Et c’est vrai pour la plupart des appareils électroniques. Et ce sans tenir compte des prodigieux gains de performance obtenus entre temps. Et pourtant beaucoup continuent à les trouver bien trop chers.

On ne peut donc que recommander de comparer les prix dans le temps, car notre mémoire est très approximative sur ces sujets. Je pratique souvent cet exercice, et c’est plus surprenant qu’on ne l’imaginerait. Je le fais bien sûr aussi sur la rémunération des auteurs et autrices dans l’édition. Et croyez-moi, avec une vision de plus de 30 ans de recul sur les tarifs pratiqués, il y a de quoi avoir peur.

Pour faire des calculs des prix avec l’inflation mais aussi la conversion entre francs et euros entre les années :

Mal luné

Un extrait d’une récente interview télé de Thomas Pesquet a été remonté dans une courte vidéo par un zozo pour soit-disant prouver que l’homme n’a jamais été sur la Lune. Le spationaute s’en est agacé sur Twitter, et on le comprend. Mais le problème avec les complotistes (j’utilise ce mot faute de mieux), c’est qu’ils nous entrainent systématiquement dans un piège à con.

En effet, quand ils trouvent un bout de truc qui semble confirmer leurs théories fumeuses, ils pensent avoir la preuve qu’ils ont raison. Quand on ne répond pas à leurs assertions tellement elles sont ridicules, ils pensent que ce silence est la confirmation gênée du fait qu’ils ont raison. Si au contraire on leur démontre par A + B qu’ils ont tort, ils pensent qu’ils ont malgré tout raison, que ce sont leurs interlocuteurs, voire les savants, qui sont idiots ou soumis au système. Même quand ils se retrouvent acculés au fond d’une impasse, avec des néons qui clignotent partout en désignant leur bêtise, ils pensent toujours avoir raison et tirent même une grande fierté de leur différence et de leur rejet par le reste du monde.

Bref, ce qui compte pour les complotistes, ce n’a jamais été la vérité ni la réalité, ce qui compte c’est juste leur sentiment de supériorité. C’est pour ça qu’ils détestent tant les « élites » : ils détestent ceux dont ils rêvent en fait de prendre la place au sommet.

Nous n’irons plus en festival

Valérie et moi sommes toujours franchement malades du COVID, onze jours après être rentrés du festival d’Angoulême. Grosse toux permanente, nez transformé en rivière, fatigue continue… le tout bien confirmé par deux nouveaux tests positifs avant-hier. Ce n’est pas qu’un gros rhume, ni même qu’une bonne grippe, c’est bien plus pénible, et nous commençons à être sévèrement fatigués. Bref, nous payons bien cher la levée prématurée des règles sanitaires.

Nous serons donc très probablement absents ce week-end au festival d’Hérouville-Saint-Clair, afin de ne contaminer personne. Même si le test de vendredi se montrait négatif, nous ne voyons pas trop comment nous serions en état physique d’ici là. Car si c’est pour tousser toutes les minutes dans son masque, ça va vite être intenable. Dommage, on ne verra pas tous les copains, la team Goldorak, l’Atelier virtuel… Nous sommes aussi bien sûr désolés pour nos lecteurs comme pour les organisateurs.

Pour la suite, il est assez probable que nous allons refuser de nous rendre en festival tant que la pandémie battra son plein et tant que des mesures sanitaires bien plus sévères ne seront pas appliquées par l’État ou par les organisateurs d’événements. En effet, on le sait maintenant, les variants actuels du COVID peuvent recontaminer n’importe qui quelques semaines seulement après avoir été malade ou vacciné. Même si nous ne sommes pas les pires victimes (il y a toujours plus de cent morts par jour), nous ne sommes pas prêts à revivre ce que nous traversons en ce moment. Sans parler du risque de refiler cette ***** à d’autres.

Nous étions trop K.O. cette semaine pour participer à la rédaction de ce message de la Ligue des auteurs professionnels sur le sujet, reproduit en bas de cet article. Nous sommes évidemment tout à fait d’accord avec ses recommandations mais nous irons personnellement sans doute plus loin, en tout cas tant que le virus circulera avec une telle intensité : si le festival ou la librairie n’impose pas le port strict du masque, ce sera sans nous.

Voilà, espérons que nous vous donnerons de meilleures nouvelles de notre santé bientôt. Surtout, bon courage à tous dans cette sixième vague. Surtout, protégez-vous : le COVID-19 n’est pas toujours qu’un rhume ou qu’une grippette.

Covid 19 : le monde du livre face à ses responsabilités

Communiqué de presse de la Ligue des auteurs professionnels

Depuis le 14 mars 2022, le port du masque n’est plus obligatoire en intérieur sauf dans les transports collectifs de voyageurs et les établissements de santé. Une décision gouvernementale qui n’est pas sans conséquence sur les lieux culturels et lieux de rencontre, à l’image des festivals et salons littéraires. En effet, le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se tenait du 17 au 20 mars a subi de plein fouet les conséquences de cet assouplissement des mesures sanitaires, avec la création d’un cluster qui a touché de nombreux auteurs et autrices et de nombreux festivaliers et festivalières. Une « édition sans masques ni pass sanitaire » (ndlr : l’affiche officielle du FIBD) qui a eu de graves conséquences sur les participants de ce festival.

Malgré ce relâchement des pouvoirs publics concernant les gestes barrières, il est utile de rappeler que les contaminations au Covid 19 continuent de progresser en France, avec plus de 127 000 nouveaux cas par jour enregistrés en moyenne sur 7 jours. Le 27 mars, on comptabilisait 110 000 nouveaux cas supplémentaires en 24 heures. Les personnes les plus fragiles, personnes âgées, malades chroniques, avec des comorbidités sont une fois de plus mises en danger par cette remontée épidémique. Également, les effets du « Covid long » commencent à peine à être quantifiés et ont de graves conséquences sur l’ensemble des malades.

C’est dans ce contexte que la Ligue des Auteurs Professionnels incite les organisateurs de festivals et salons littéraires à prendre des mesures pour protéger les participants à leurs événements, et encourage d’autant plus les auteurs et autrices à redoubler de vigilance. Il est essentiel que chacun mesure les conséquences de son comportement individuel sur le collectif.

Pour les festivals et salons littéraires, nous encourageons la mise en place d’un protocole renforcé :

  • Incitation au port du masque envers tous les festivaliers ;
  • Distribution gratuite de masques FFP2 ;
  • Protocole fiable d’aération des espaces tout au long de la journée ;
  • Communication responsable autour des gestes barrières ;
  • Gel hydroalcoolique à disposition ;
  • Protection des personnes à risques.

Pour les auteurs et autrices, nous invitons à la responsabilité individuelle :

  • Test antigénique ou PCR effectué avant le départ ;
  • Port du masque lors des dédicaces et des interventions ;
  • Eviter les rassemblements lors des moments de restauration en intérieur ;
  • Eviter les contacts physiques.

Tous ensemble, nous pouvons limiter les risques et éviter la formation de nouveaux clusters dans les événements culturels, salons et festivals, si importants pour nos professions !https://ligue.auteurs.pro/


Mise à jour

Dans la droite ligne de cette note de blog, j’ai signé la tribune « Rencontres culturelles : non aux clusters » : actualitte.com