Le Blog

Il faut lire Fabrice Neaud

La Bande Dessinée, je vous en ai déjà parlé, nourrit en général bien mal ses créateurs et créatrices. Mes débuts furent donc très difficiles économiquement, je dus quitter Paris pour Angoulême, une ville aux loyers bien moins chers. Il s’avère que cette ville connaissait, au milieu des années 90, une véritable ébullition artistique autour de son école de BD, de beaucoup de ses élèves qui signaient dans les jeunes maisons d’édition tel Delcourt et Soleil, mais aussi autour d’un éditeur local ambitieux nommé Ego comme X.

Quand je vivais encore à Paris, je lisais avec beaucoup d’intérêt la revue Ego comme X. Et j’étais particulièrement intéressé par les pages d’un certain Fabrice Neaud. Comme les autres auteurs de la revue, il explorait l’autobiographie, une voie bien nouvelle à l’époque en BD. Mais, au lieu d’adopter un dessin-écriture rapide comme celui des auteurs qu’on allait regrouper sous l’étiquette de « nouvelle Bande Dessinée », il était parti dans une direction très différente, nourrit de tradition classique du dessin, mais aussi de comics et de manga. Il avait donc un dessin réaliste très solide qu’il mariait avec une recherche formelle sur la composition et la narration dont je me sentais assez proche.

À la fin de l’été où je m’étais installé à Angoulême, je rencontrais enfin Fabrice. C’était un garçon truculent, à la conversation volubile. Très vite, nous nous découvrîmes des passions communes : la musique classique, la science-fiction, la philosophie, les arts et les lettres, les comics de super héros… Ce fut le début d’une profonde amitié, de celles très rares, qui emplissent une vie.

En 1996, Fabrice sortit le premier tome de son Journal chez Ego comme X. Un livre si fort qu’il obtint l’Alph-Art du meilleur premier album au festival d’Angoulême suivant. Même si une partie de la critique n’y avait vu que l’autobiographie d’un homosexuel de province, j’y avais surtout vu, moi, une sacrée promesse : on ne croise pas tous les jours une telle qualité formelle sur un premier livre.

Cette promesse fut plus que confirmée par les tomes suivants. Elle le fut sur le fond déjà. Fabrice nous proposait une implacable dissection de sa propre vie, de ses sentiments, du petit monde autour de lui et du contexte social de cette fin des années 90. Fabrice faisait preuve d’une intelligence, d’une lucidité et d’une honnêteté rares, de celles qui changent votre propre manière de regarder le monde.

Mais n‘oublions surtout pas la forme sans laquelle ce fond n’aurait pu être qu’une petite musique sans ambition. Bien au contraire, Fabrice avait usé dans ces nouveaux tomes du Journal non seulement d’un dessin encore plus beau, mais il proposait surtout un vocabulaire d’images, de compositions, de narration extrêmement riche et complexe, à la grammaire aussi inventive que maitrisée. C’était une véritable leçon de Bande Dessinée.

 

Après la fin malheureuse d’Ego comme X (l’économie de la BD est plus que précaire, encore une fois), le Journal de Fabrice Neaud a finalement été réédité chez Delcourt. Mais c’est aujourd’hui seulement que parait, après un bien trop long silence autobiographique, Le Dernier Sergent, dont les événements suivent directement ceux du Journal.

Ce n’est pas sans une certaine inquiétude que je me suis lancé dans la lecture ce Dernier Sergent. J’ai tellement admiré le Journal de Fabrice que je craignais d’être éventuellement déçu. Non pas que je pensais que le livre pouvait être mauvais, ayant déjà vu et lu de nombreuses planches et scènes lors de nos visites chez lui avec Valérie. Cette vision parcellaire m’avait totalement convaincu de l’importance de ce nouvel opus. Mais, nous, lecteurs, sommes ainsi faits, quand nous avons connu une forte émotion avec une œuvre, nous pouvons en garder un souvenir surdimensionné, et nous retrouver bêtement déçus par une nouveauté pourtant remarquable.

Heureusement, j’avais tort d’avoir peur. Si j’écris ce texte, c’est même que je suis à nouveau totalement bouleversé par le travail de Fabrice, comme au premier jour. Je pense même que son silence, forcé, en matière autobiographique a permis à Fabrice d’atteindre une maturité artistique exceptionnelle. Le résultat est tellement fort que je n’oserai pas en parler plus longuement sans l’avoir relu. Tout ceci, vous pourrez le pré-sentir au feuilletage tant les dessins, les pages, les compositions explosent déjà au visage. Ce sont des heures exceptionnelles avec un très grand auteur qui vous attendent.

Alors, si vous ne connaissez pas Journal, n’attendez plus pour le lire. Autrement plongez-vous dans Le Dernier Sergent dès maintenant. Passée la déferlante de sentiments que provoquera cette lecture, vous aurez sans doute, comme-moi, envie de relire toute l’œuvre autobiographique de Fabrice, le temps de patienter jusqu’au prochain opus.

Oui, il faut vraiment lire et relire Fabrice Neaud

 

Remplaçable ? Remplacé !

Nous avons tous compris que dans beaucoup de domaines, des travailleurs bien humains vont se faire remplacer par des “intelligences artificielles”. Mais dans quelle proportion ? Dans les métiers intellectuels, certains prédisent que ce sera plus de la moitié des postes.

Mais il faut arrêter de parler de tout cela au futur.

Onclusive, société française spécialisée dans la veille média et les outils de relations publiques vient d’annoncer qu’elle virait 217 salariés sur 383 et utilisera à la place de l’intelligence artificielle. C’est donc 56% de ses effectifs qui sont remplacés du jour au lendemain par un logiciel.

Dire que le développement de ces IA n’en est qu’à ses balbutiements. Depuis des décennies, les robots ont expulsés massivement les ouvriers du marché du travail ? C’est maintenant au tour des cols blancs de se faire liquider.

Ça promet.

Web WipEout

Dans les années 90, j’occupais une table d’atelier chez Mathieu Lauffray et on dessinait assidument toute la journée et une partie de la nuit. Enfin, presque. Mathieu avait eu la très bonne/mauvaise idée d’investir dans une grande télévision, sur laquelle on disséquait les films, et dans une magnifique console PlayStation, première du nom. Et parmi nos jeux préférés, il y avait la course futuriste WipEout. Créé par les Anglais du studio Psygnosis, il avait tout pour plaire : ultra fluide et rapide pour l’époque, il renouvelait les sensations d’arcade. Il était beau aussi, loin des rendus assez grossiers de la plupart des jeux, en particulier grâce aux créations visuelles de The Designers Republic, graphistes stars de la scène musicale anglaise. Enfin, la bande son était à la hauteur, avec les meilleurs représentants de la techno et de la big beat, les Orbital, Chemical Brothers ou The Prodigy qu’on découvrait à l’époque.

Aujourd’hui, il est possible de retrouver cette sensation d’un clic. Le code source du premier WipEout ayant fuité l’année dernière, un développeur s’est lancé dans son portage1 sur des plateformes plus modernes. Et en particulier, sur le web ! On peut donc jouer à WipEout sur son navigateur d’un clic sur ce lien (et en téléchargeant 144 Mo de données) :

On voit là quel chemin l’informatique a parcouru depuis 1995. Quand la première PlayStation a débarqué, en particulier avec WipEout, on était bluffé par la puissance, la qualité graphique et la réactivité de la console. C’était, proportionnellement aux ordinateurs de l’époque, franchement une réussite. Dire qu’aujourd’hui, tout cela tourne à fond dans un navigateur web, y compris sur son téléphone ! Si la technologie utilisée, WebAssembly, permet cette efficacité, cela reste une émulation, et donc consomme bien plus qu’un jeu directement écrit pour le processeur. On ne réalise pas que nos iPhones dépassent aujourd’hui aisément le teraflops de puissance de calcul, alors que nos braves PlayStations de 1995 faisaient toutes ces merveilles avec seulement 66 kiloflops sous le capot, soit 10 000 fois moins de puissance que nos « téléphones ». Et pourtant, à l’époque, on s’épatait d’avoir dans cette petite boîte sous la TV du salon presque la même puissance que les supercalculateurs Cray-1 qui nous avaient fait rêver gamins.

Bref, let’s play WipEout again!

Notes

Non-droit à l’image

Hier soir, mon confrère Jean-Christophe Menu a quitté Facebook, principalement par lassitude des pubs et du grand vide qu’on y croise sans arrêt. J’ai éteint l’ordinateur après un dernier échange avec lui où je lui disais que, en ce moment, tout nous donne plutôt envie de se retirer du monde.

Ce matin, en allumant mon ordinateur, je tombe justement sur sa tête en train de me dire quelque chose… qu’il ne serait pas du genre à dire. C’est le partage par un ami d’une image postée par un compte « La cle de la Renaissance » remplie de citations et d’illustrations new age et de propositions de « soin Énergétique ». Je découvre rapidement que cette image circule depuis plus d’un an sur les réseaux, sur des comptes genre « Proverbe Du JOUR » (Sainte Typographie, priez pour nous).

Mais qui a eu l’idée saugrenue d’utiliser ainsi ce portrait de Jean-Christophe par le photographe David Rault ? Est-ce juste parce que le regard de JC y est particulièrement intense ? Et d’où sort cette « citation » plaquée dessus ? Une métaphore informatique qu’on imagine bien mal dans la bouche de JC en tout cas…

Et surtout, n’importe qui peut donc retrouver sa tronche sur Internet disant n’importe quoi. On imagine l’enfer que ce serait de faire effacer les milliers d’occurrences de ce genre de partages. et surtout le coût en avocats et huissiers…

Jean-Christophe, tu as vraiment bien fait de te casser des réseaux.

Colloque BD au Collège de France : le replay

La semaine dernière j’étais dans les vénérables murs du Collège de France pour le colloque Nouveaux chemins de la bande dessinée qui venait conclure l’année de cours de Benoît Peeters. On y a entendu des interventions passionnantes. Si vous voulez vous faire une idée des enjeux actuels, c’est à écouter ou réécouter.

Lors de l’intervention que je partageais avec Loo Hui Phang et Pierre Nocerino (ci-dessus) j’ai essayé, sans taire les immenses difficultés actuelles des auteurs et autrices, de finir sur une note un peu plus ambitieuse.

Petit détail amusant : quand Benoît a présenté mon travail en début de de table ronde, j’ai vu s’afficher sur l’écran géant la couverture de mon dernier album paru. Je vais donc pouvoir me gargariser d’avoir permis à Goldorak d’entrer au Collège de France 🙂

Voici l’ensemble des vidéos, dans l’ordre chronologique :

  1. Introduction
    Benoît Peeters
  2. Une bande dessinée de poésie
    Jan Baetens (auteur)
  3. La bande dessinée de non-fiction
    David Vandermeulen (auteur)
  4. Au-delà du papier, vers le numérique
    Julien Baudry (université Bordeaux Montaigne) :
  5. La recherche et l’enseignement de la bande dessinée.
    Thierry Groensteen (auteur), Irène Leroy-Ladurie (revue Neuvième art), Sylvain Lesage (université de Lille)
  6. Les évolutions du marchéXavier Guilbert (site Du9)
  7. Éditer la bande dessinée.
    Christel Hoolans (Kana – Le Lombard), Benoît Mouchart (Casterman), Serge Ewenczyk (Çà et là)
  8. Auteurs et autrices, un métier en danger ?
    Pierre Nocerino (chercheur), Loo Hui Phang (autrice), Denis Bajram (auteur)
  9. Lire et faire lire la bande dessinée.
    Vincent Poirier (libraire), Sonia Déchamps (journaliste-modératrice), Pascal Mériaux (BD Amiens)
  10. Exposer et conserver la bande dessinée.
    Anne-Hélène Hoog (CIBDI Angoulême), François Schuiten (auteur), Jean-Baptiste Barbier (galeriste)

Au Collège de France

Si on m’avait dit qu’un jour je serais convié à m’exprimer dans l’enceinte du Collège de France, je n’y aurai pas cru. Je suis pourtant bien invité par Benoît Peeters à dire quelques mots durant le colloque qui conclut son année de cours sur la Bande Dessinée. Et il n’y a pas que l’institution qui est prestigieuse, je serai en excellente compagnie comme vous pouvez le voir dans le programme ci-dessous.

Pour ceux qui peuvent se rendre disponibles, les conférences sont en accès libre et sans inscription préalable. Pour les autres, l’ensemble du colloque sera filmé et sera disponible ensuite sur le site du Collège de France.

D’ici là, vous pouvez déjà réécoutez les passionnants cours de Benoit en ligne.

COLLOQUE : NOUVEAUX CHEMINS DE LA BANDE DESSINÉE

7 juin 2023 de 9h à 18h

Collège de France , amphithéâtre Marguerite de Navarre

Le projet de ce colloque est d’établir un état des lieux de la bande dessinée dans le monde francophone, sous les angles plus divers. On s’intéressera bien sûr à la dimension esthétique, en évoquant la bande dessinée de poésie, la place grandissante de la non-fiction, l’intérêt pour les nouveaux supports. Mais on évoquera aussi la situation de l’enseignement et de la recherche, les évolutions du marché, la diversité des approches éditoriales, la fragilité des auteurs et autrices, l’importance de la médiation, la mise en valeur du patrimoine et des planches originales…

 

  • 09 h 15 Benoît Peeters : Introduction
  • 09 h 30 Jan Baetens (auteur) : Une bande dessinée de poésie
  • 10 h 15 David Vandermeulen (auteur) : La bande dessinée de non-fiction
  • 11 h 00 Julien Baudry (université Bordeaux Montaigne) : Au-delà du papier, vers le numérique
  • 11 h 45 TABLE RONDE : La recherche et l’enseignement de la bande dessinée. Avec Thierry Groensteen (auteur), Irène Leroy-Ladurie (revue Neuvième art), Sylvain Lesage (université de Lille)
  • 12 h 40 Pause
  • 14 h 00 Xavier Guilbert (site Du9) : Les évolutions du marché
  • 14 h 30 TABLE RONDE : Éditer la bande dessinée. Avec Christel Hoolans (Kana – Le Lombard), Benoît Mouchart (Casterman), Serge Ewenczyk (Çà et là)
  • 15 h 20 TABLE RONDE : Auteurs et autrices, un métier en danger ? Avec Pierre Nocerino (chercheur), Loo Hui Phang (autrice), Denis Bajram (auteur)
  • 16 h 10 TABLE RONDE : Lire et faire lire la bande dessinée. Avec Vincent Poirier (libraire), Sonia Déchamps (journaliste-modératrice), Pascal Mériaux (BD Amiens)
  • 17 h 00 TABLE RONDE : Exposer et conserver la bande dessinée. Avec Anne-Hélène Hoog (CIBDI Angoulême), François Schuiten (auteur), Jean-Baptiste Barbier (galeriste)
  • 17 h 50 Benoît Peeters : Conclusion

Arrêter aussi les séances de signatures ?

Ce week-end, Valérie et moi avons découvert pour la première fois les Imaginales. Quel merveilleux festival ! Consacré à l’imaginaire, il accueille tous les ans plus de 40 000 visiteurs dans un cadre idyllique, un parc au centre-ville d’Épinal. Différentes tentes et structures s’y dressent, et, avec une météo particulièrement idyllique comme cette année, c’est un vrai bonheur de circuler dans ce jardin enchanté.

Les Imaginales est un festival comme je les aime, un festival culturel à la fois grand public et pointu, et où, surtout, la dédicace n’est pas le seul centre d’intérêt. Vous le savez, j‘ai arrêté les séances de dédicaces dessinées il y a plus de quinze années, pour de nombreuses raisons, la première étant que je pensais, et pense toujours, qu’il y a de bien meilleurs moyens de montrer et parler de notre travail que des files de lecteurs devant des auteurs tête baissée sur leur dessin (voir ici). C’est pour cela que j’ai réorienté mes sorties vers les manifestations qui me proposaient autre chose que la séance de dédicace : tables rondes, démonstrations live, expositions, master class, cafés littéraires, ateliers et autres rencontres.

Ces dernières années, sous la pression de certains libraires, j’avais repris lentement le chemin des tables de dédicaces, mais dans une formule réduite à la seule signature de mes ouvrages. En ne faisant « que » signer, j’évitais les files d’attente de parfois plusieurs heures qui se formaient devant moi quand je dessinais. Et je pensais pouvoir discuter tranquillement avec ceux que ça intéresserait. Mais, dans les faits, il semble que seul un petit tiers des gens qui viennent devant moi ont envie de discuter. Les autres ne sont là que pour obtenir un autographe destiné à valoriser leurs livres de manière symbolique, mais aussi pécuniaire pour certains, je ne suis pas dupe.

Si j’avais accepté l’invitation des Imaginales (merci Gilles Francescano), c’était donc pour les tables rondes, les retrouvailles avec les amis et le fait qu’on m’avait dit que la rencontre avec le public était facilitée par le cadre. Et c’est bien le cas : j’ai été arrêté dans les allées du parc par de nombreux lecteurs et lectrices, et nous avons pu parler de plein de choses passionnantes. Entre autres excellents souvenirs, celui où, après une bonne sieste en fin de journée avec Valérie sous un des grands arbres un peu à l’écart, nous avons eu le plaisir de discuter avec un jeune libraire d’Octopus qui est venu, passionné, à notre rencontre. Je venais justement de poster sur mon mur Facebook une petite photo de cette sieste idyllique en souhaitant un bon week-end à tout le monde.

Hélas, en rentrant, j’ai eu le plaisir de découvrir sous ce message celui d’un malotru se plaignant de nous voir faire la sieste : « Au lieu de dédicacer… Triste 2 x 2 heures d’attente pour rien… Tant pis les autres auteurs ont fait le taf. »

Pourtant, nous avons été présents à tous les créneaux de signature que nous avions donnés au libraire dès le premier jour. Je suis juste arrivé un matin en retard d’une demi-heure car j’avais été occupé par une petite réunion professionnelle. Donc si ce monsieur a attendu deux fois deux heures pour rien, c’est qu’il n’a pas demandé aux libraires à quel moment nous venions. Mais cela ne semble pas être le cas, puisqu’il commente un peu plus bas « c’est le week-end qui a l’air d avoir été complexe selon les libraires… ».

J’ai du mal à croire que les libraires du pôle BD aient dit du mal dans mon dos, car ça serait plus que déplacé. J’imagine que ce monsieur s’est surtout fait un film. Car, sans doute, doit-il considérer qu’un auteur doit être à son service durant toute la durée d’un festival. Et il en est tellement persuadé qu’il a la goujaterie de venir le dire en commentaire sur mon propre mur.

Doit-on encore rappeler que le seul service que nous devons à nos lecteurs et lectrices, c’est de leur faire les meilleurs livres possibles ? Que la rencontre, la signature ou la dédicace dessinée sont des cadeaux gratuits que nous avons la gentillesse de leur faire ? Que nous prenons sur nos week-ends et nos vacances pour cela ? Et que nous avons donc peut-être le droit de faire une petite sieste ?

Bref. Suite à cette aventure, je commence à me dire qu’il serait plus simple que j’arrête toute séance de signature. Comme ça personne n’attendra devant une table vide. Je continuerai de voir mes lecteurs et lectrices à la fin des interventions sur scène, pendant les ateliers ou par hasard dans les allées. Je continuerai à y signer rapidement mes livres en souvenir de ces rencontres presque improvisées. Et tout le monde en sortira bien plus heureux, non ?

Rassurez-vous, cette petite histoire n’arrivera pas à gâcher l’excellent souvenir de ces Imaginales. Et même si c’est un peu trop loin de la maison, nous y retournerons Valérie et moi avec un grand plaisir… mais probablement sans signer la prochaine fois 😊

Compétitivité ?

J’entends ce matin sur France Culture la sociologue Gwenaële Rot expliquer que les producteurs internationaux de cinéma trouveraient la France « compétitive ». Entre autres explications, ce serait parce qu’il n’y a pas ici de syndicats puissants comme les « unions » aux USA. Pour preuve, en ce moment, la grève des scénaristes de la Writers Guild of America met tout Hollywood à l’arrêt. Au contraire, en France, les investisseurs n’ont pas à s’inquiéter de ce genre de fronde, vu qu’il est interdit aux syndicats de verrouiller l’accès à une profession comme le font les « unions » aux USA.

La « compétitivité » de la France sur le plan culturel c’est donc, entre autres, d’empêcher les auteurs et autrices de pouvoir réellement se défendre collectivement. Et quand nous disons aux élus ou au gouvernement que c’est, en conséquence, à l’État de nous protéger, on nous renvoie soit à la négociation contractuelle individuelle, dont on sait qu’elle n’est réellement possible que pour les quelques auteurs à succès, soit à la négociation collective dont le rapport Racine a démontré toute l’inévitable faiblesse vu les rapports de force actuels.

La « compétitivité » de la France sur le plan culturel c’est donc de maltraiter les auteurs et autrices. C’est donc de paupériser ceux qui sont au départ des œuvres audiovisuelles. Mais c’est, en même temps, de se demander pourquoi nos productions nationales s’exportent si mal et de regretter l’époque ou la culture française rayonnait à l’international. Sans réaliser qu’il y a peut-être là un lien de cause à effet.

En fait, la « compétitivité » de la France sur le plan culturel c’est d’avoir précarisé au maximum le département « recherche et développement » que sont les auteurs et autrices et de s’étonner, après, de se faire doubler par tous ceux qui continuent à investir dans l’avenir.

Imaginales 2023

Pour la première fois Valérie et moi nous rendrons aux Imaginales, le célèbre festival de la ville d’Épinal. Nous avons répondu à l’invitation de notre camarade Gilles Francescano, le tout nouveau directeur artistique de la manifestation. Gratuit et ouvert à tout public, les Imaginales sont organisées depuis 22 années à la fin du mois de mai dans le Parc du Cours et accueillent plus de 200 auteurs et autrices et 45 000 visiteurs.

Comme nous ne sommes venus que très rarement dans l’est de la France, c’est avec un grand plaisir que nous rencontrerons un public que nous ne connaissons pas encore.

Ce sera aussi l’occasion pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de la voir aux Utopiales de découvrir la très belle exposition Valérie Mangin, scénariser sans limite au siège de la Communauté d’Agglomération d’Épinal, avenue Dutac. Elle y sera visible jusqu’à fin juin.

Vous pourrez me retrouver en table ronde à ces dates :

► Jeudi 25 mai de 18h à 19h au Magic Salon Perdu
« La Pop culture, reflet d’une société psychotique ? »
Avec Denis Bajram, Laurent Genefort, Clément Pélissier et Christophe Siebert

► Samedi 26 mai de 12h à 13h au Magic Deluxe
« Rapport Science et Science Fiction ? comment la SF modifie le réel. »
Avec Denis Bajram, Claude Ecken, Rakel Haslund, Pierre Lagrange, Jean-Marc Ligny, Olivier Paquet

► Samedi 27 mai de 17h à 18h au Magic Salon Perdu
« La bande dessinée, une histoire de couple ? »
Avec Denis Bajram, Ariane Delrieu, Laurent Genefort, Valérie Mangin, Frédéric Michel, Alexandre Ristorcelli

► Dimanche 28 mai de 14h à 15h au Magic Salon Perdu
« Quand l’outil forme la main et la pensée. »
Avec Denis Bajram, François Baranger, Céline Blaché, Yannick Huchard, Stéphanie LeCam, Olivier Paquet

Chacune de ces rencontres sera suivie par une séance de signature d’une heure. Je précise, que, comme à mon habitude, je ne ferais pas de dessin. Ça nous laissera le temps d’avoir de vrais échanges avec tous ceux qui le voudront. Enfin, en dehors de ces plages horaires, si vous nous croisez dans les allées, n’hésitez surtout pas à nous arrêter pour discuter : nous venons pour ça !

Images ©www.imaginales.fr

Auteurs & autrices de BD, la Ligue a besoin de vous

Bientôt, ce sont les élections au conseil de la Ligue des auteurs professionnels. L’excellent Frédéric Maupomé ayant présidé avec brio notre syndicat en se donnant à 1000% comme Samantha et moi l’avions fait auparavant, il a l’obligation maintenant de se reposer… enfin, de reprendre son travail d’auteur normal.

Je ne vais pas vous cacher que cela pose un problème côté bande dessinée. Je vais me retrouver seul à la représenter dans un conseil syndical de 14 membres. Je n’ai pas de doute que les autres seront à l’écoute de tout ce que je dirai, mais je ne suis ni disponible tout le temps ni, surtout, infaillible. Même si, depuis les États Généraux de la Bande Dessinée, je continue à être très attentif aux évolutions sociales, économiques, légales et technologiques qui nous concernent dans la BD, je pense que je ne dois pas être seul à parler pour les métiers de la BD à la Ligue.

Enfin, le conseil syndical de la ligue est surtout composé d’auteurs et d’autrices de textes. En fait, je suis le seul à y tenir un pinceau aujourd’hui. Il faudrait donc que dessinateurs, dessinatrices et coloristes se présentent à nos élections pour mieux veiller aux sujets qui les concernent en particulier.

Être au conseil, c’est bien sûr prenant, c’est la certitude d’ajouter des heures de travail à des semaines déjà trop courtes. En échange, c’est l’assurance de se sentir un peu plus utile aux autres dans un métier souvent trop individualiste. C’est aussi l’occasion de se former rapidement au droit d’auteur, aux complexités sociales et fiscales, mais aussi aux enjeux économiques et sociétaux à long terme de notre profession d’artiste-auteur. En vous engageant à la Ligue, vous aiderez donc surtout les autres, mais vous vous préparerez aussi à surmonter les difficultés de nos métiers

N’hésitez pas à venir discuter de votre éventuelle candidature en privé avec moi. Et si vous voulez commencer plus doucement, vous pouvez aussi rejoindre le rang de nos bénévoles actifs !