Rien n’est pur, et alors ?

Il faut craindre que tout ce qui atteint une notoriété dans notre société l’atteint parce qu’il a été instrumentalisé à un moment ou un autre par le capital.

Ce matin, nous avons eu une discussion entre amis sur qui exploiterait l’engagement sincère de Greta Thunberg. Sans aller jusqu’à soupçonner une manipulation initiale, on peut s’interroger sur qui et quoi l’a amenée à une telle notoriété mondiale. Normalement la plupart des idées différentes, la plupart des colères sont invisibles. Celles que nous voyons apparaître au grand jour dans un système consumériste capitaliste le sont parce qu’elles ont été transformées en produit de consommation et en objet de mode. Même quand on est totalement contre le système consumériste capitaliste, on n’est pas à l’abri, il suffit de voir que Che Guevara a fini par devenir une icône pour t-shirts ou portefeuilles…

Encore récemment on a vu BFM et consort faire leur beurre avec les gilets jaunes, dans une danse savante, à moitié haine des uns pour les autres, et à moitié amour de tous pour l’audience… Et on se demande déjà si la colère des oubliés n’est pas en train de (re)devenir une marchandise comme les autres pour les politiques et les chroniqueurs en mal d’inspiration…

Bref, tout ce qui est visible l’est parce que certains acteurs du système consumériste capitaliste sont déjà en train d’essayer d’en tirer profit. Quasiment rien n’arrive à nos yeux et nos oreilles en restant pur. Mais décrédibiliser tout combat au nom d’une pureté impossible, quelle que soit la qualité du discours ou du projet initial, quelles que soient ses conséquences réelles contre le système, c’est vraiment le meilleur moyen d’être sûr que rien ne changera. À un moment les « je ne suis pas dupe » ressemblent à des « je suis complice par inaction ».

 

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Fichage politique d’initiative partagée

Savez-vous que la liste des signataires pour le référendum d’initiative partagée sur l’Aéroport de Paris sera rendue publique ?

Extrait des mentions légales du site : « La liste des électeurs soutenant une proposition de loi est accessible par ordre alphabétique des noms des électeurs […] Cette liste, accessible aux seules fins de consultation, précise pour chaque électeur soutenant la proposition de loi son nom, son ou ses prénoms et sa commune d’inscription sur les listes électorales »

Cela veut donc dire qu’amis, ennemis, partis politiques, publicitaires, employeurs, organisations à but non démocratique, tous pourront vérifier qui pense quoi. Charmant.

Bien sûr, la loi interdit de constituer à partir de là un fichier politique de citoyens français… mais on sait que ça ne gênera pas les plus malhonnêtes ni les plus dangereux, et pas plus les entreprises ou les puissances étrangères…

Les lois et décrets qui organisent le référendum d’initiative partagée, qu’on doit aux précédentes législatures et gouvernements, ont donc abouti à un résultat simplement scandaleux en termes de fichage public des citoyens.

Depuis le lancement de la campagne de signature, j’hésite donc. Au-delà même de la question de la privatisation d’une entreprise stratégique et rentable pour l’État, je suis plutôt favorable à une démocratie qui consulterait plus souvent sa population. Mais, franchement, j’ai du mal à envisager d’aller m’inscrire de moi-même dans un fichier politique public.

D’un autre côté, depuis des mois, j’hésite aussi à parler de ce risque, car c’est un bon moyen de participer à plomber ce premier essai de référendum pétitionnaire, d’autant plus qu’on sait que la barre des 4,7 millions de signataires sera très difficile à atteindre.

Je sais que quelques députés me lisent. Il serait vraiment sérieux de construire un nouveau RIP, qui n’obligerait pas les citoyens à auto-dénoncer publiquement leurs opinions politiques. Et quitte à faire cela, à réfléchir à tous les modèles existants, de la Suisse à l’Angleterre en passant bien sûr par les propositions liées au RIC. Sans passer à l’ochlocratie, le pouvoir de l’ochlos, la foule, il est tout de même urgent que la démocratie représentative écoute mieux le dêmos, le peuple.

Confusion & point Godwin

L’ambiance est totalement à la confusion en ce moment. Mais totalement.

Ce matin, je vois des amis, qui sont tous sauf des idiots, s’offusquer d’un article titrant : « Emmanuel Macron : Je souhaite la suppression de la Cour de justice de la République »1. Et de commenter sur Facebook : « Les premiers pas vers une vraie dictature. J’espère me tromper. » ou bien « Mais oui, bien évidemment ! La prochaine étape, il se laisse pousser la moustache, mais une toute petite hein, juste en dessous du nez… »

Précisons, déjà, que c’est un article de 2017, présentant une annonce faite devant le Congrès. Pourquoi réapparait-il soudainement sur les réseaux sociaux, commenté comme si c’était une déclaration récente ?

Mais surtout, on présente comme un pas vers la dictature un projet qui allait au contraire faire redevenir les membres du gouvernement des justiciables comme les autres. En effet, la Cour de justice de la République, c’est une juridiction d’exception qui a été créée par les politiques pour être sûr que seuls les politiques jugeront les politiques au pouvoir. La Cour de justice de la République c’est 12 parlementaires et seulement 3 juges qui s’occupent de rendre la justice concernant les actes des membres du gouvernement. La supprimer est donc une très bonne nouvelle, ça veut dire que ce sera enfin la justice commune et indépendante qui jugera les actes des ministres au pouvoir, et non d’autres politiques avec tous les risques de justice de classe qui vont avec.

La mauvaise nouvelle, c’est que ce discours a deux ans. Un projet de révision constitutionnelle a pourtant été à deux doigts de passer. Même si ce projet de loi mettait encore des limites (filtrage des plaintes, cour d’appel), c’était donc un vrai progrès démocratique2.

Et boum, affaire Benalla. Grosse tension entre Sénat et majorité, et report du projet. On n’en a pas vraiment entendu reparler depuis. Et on peut se demander si le gouvernement a toujours autant envie de rogner sa protection juridique vu le climat actuel…

Ce petit exemple pour montrer à quel point l’ambiance est totalement à la confusion en ce moment. Tout le monde saute sur la moindre miette pour traiter l’autre de facho. Quitte à être totalement à côté de la plaque, à tirer tout dans son sens, à dire des contrevérités, voire à se tirer même des balles dans le pied.

Et je dis bien tout le monde, car c’est hélas une mauvaise habitude prise par tous les camps : en gros, le peuple est populiste donc fasciste, le pouvoir est policier donc fasciste, les écolos c’est la dictature verte donc des fascistes, les capitalistes c’est les alliés objectifs des fascistes, les pro-Europe sont libre-échangistes, donc capitalistes, donc fascistes, les anti euro, même de gauche, sont nationalistes donc fascistes, les religions sont évidemment fascistes, les médias et les réseaux sociaux sont fascistes à tour de rôle… sans parler de tous ceux qui se taisent qui sont bien sûr complices des fascistes.

Il est vraiment urgent que tout le monde se calme un peu. Il y a urgence à sortir du point Godwin et de l’insulte permanente. Car si tout le monde veut la guerre civile, on va l’avoir. Et quand notre démocratie, toute imparfaite qu’elle soit, sera vraiment en ruines, qui prendra le pouvoir ?

Oups, j’allais écrire « les fascistes ».

Notes

S’habituer à l’horreur

Notre société est en train de s’habituer à l’horreur. Des milliers de SDF, femmes, hommes, enfants meurent chaque année dans la rue. Des milliers de migrants, femmes, hommes, enfants meurent chaque année en méditerranée. De l’indignation des débuts dans ces deux cas, ils restent maintenant un vague sujet médiatique, une virgule dans les journaux télé, et encore…

Notre société est en train de s’habituer à l’horreur. Lorsque Rémi Fraisse a été tué, on a eu l’impression que ça ne concernait que les zadistes. Lorsqu’Adama Traoré a été tué, que c’était un problème de banlieue. Lorsque Shaoyao Liu a été tué, que c’était un problème de chinois. Lorsque Zineb Redouane a été tuée, que c’était un problème de pas de chance, qu’il ne fallait pas aller à la fenêtre de son appartement quand les forces de l’ordre tirent des grenades dans tous les sens.

Notre société est en train de s’habituer à l’horreur. Hier, c’est probablement le cadavre de Steve Maia Caniço qui a été retrouvé dans la Loire. Pendant la fête de la musique, une intervention policière irresponsable a probablement fait se noyer un jeune homme sans histoire. Et on a déjà l’impression que cela ne va rien changer, puisque, de fait, dans l’ensemble des cas qui précèdent, c’est pour l’instant officiellement la faute à pas de chance ou, pire, la faute de la victime…

Notre société est en train de s’habituer à l’horreur. Plus il y a de morts, moins la mort compte. Plus il y a de morts, moins il ne semble y avoir de responsables. Il semble même devenir normal de perdre un œil dans un tir direct ou de se faire déchirer le fondement par une matraque.

Notre société est en train de s’habituer à l’horreur. On se demande ce qui pourrait bien encore faire dérailler ce processus. On en serait presque à espérer que la prochaine victime de ce genre de “dramatique accident” soit un proche d’un politique de premier plan, d’une vedette ou d’un milliardaire. À force de charger et tirer dans le tas, ça va finir par arriver. On a l’impression qu’il n’y a plus que ça qui pourrait faire comprendre, du sommet de l’État jusqu’au café du commerce, que quand une société s’habitue à l’horreur, ce n’est pas que les pauvres, les “étrangers” et les militants qui sont menacés du pire. Quand une société s’habitue à l’horreur, c’est tout un chacun qui peut croiser son chemin.

Aux armes, citoyen ?

Ce matin, j’ai répondu à France Culture au sujet de la Red Team que va créer le ministère des armées avec des auteurs de science-fiction pour nourrir ses capacités d’innovation. Pourquoi m’interroger moi, alors que le recrutement ne commencera qu’à la rentrée ? En fait, j’avais fait partie d’une première expérience du genre qui avait eu lieu, discrètement, pendant les Utopiales de Nantes, le grand festival de la science-fiction.

Je me souviens que, quand on m’avait proposé d’y participer, cela m’avait posé un vrai problème de conscience. La Marine venait nous chercher, moi et deux autres auteurs de SF, dans l’espoir, je cite, de « s’affranchir autant que possible des moyens habituels de la prospective ». Nous devions apporter dans ce petit groupe de travail mixte avec des officiers « la créativité de la SF ». Ça, je m’en sentais capable, d’autant plus que la guerre de demain, voire universelle, c’est clairement dans ma réflexion d’auteur. Et puis, avec un peu de chance, on allait enfin me construire le robot géant dont je rêvais gamin.

Plus sérieusement, je m’étais posé une vraie question : est-ce que j’avais envie, est-ce que j’étais même simplement prêt à travailler, même ponctuellement, avec l’armée de mon pays ?

D’un côté, l’étudiant des beaux-arts qui avait tout fait pour être réformé du service militaire me criait « Non, mais ça ne va pas ? Tu veux les aider à tuer des gens ? Et si par hasard, tu les aidais à faire émerger une idée qui s’avérerait meurtrière ? Genre bombe nucléaire, virus Ebola ou Terminator ? » Au-delà de cette angoisse viscérale, j’essaye depuis toujours d’éviter le conflit et la destruction, tentant, vainement souvent, de rassembler et de construire… Il n’y a donc pas grande chose de pire pour moi que de prendre les armes, de partir en guerre, même intellectuellement…

De l’autre côté, à presque 50 ans, j’en ai fini avec un certain romantisme, voire un certain angélisme, et j’ai bien compris que nous n’avons pas que des amis autour de nous. Je ne suis pas prêt à dire : « OK, démantelons nos arsenaux et notre armée et, devant tant de bonne volonté, les autres vont s’incliner et faire de même. ». Je me suis donc demandé s’il n’y avait pas quelque chose de l’ordre du faux-cul à se laver les mains des questions militaires. Genre moi je suis monsieur propre, mais je compte quand même sur l’armée pour me défendre…

Comme c’était pour un seul atelier, une seule après-midi, j’ai dit oui. C’était le meilleur moyen d’éprouver la réalité de tous ces sentiments entremêlés. Et puis, bon, en quelques heures, je ne risquais pas de changer le destin de l’humanité.

J’ai bien fait d’y aller, ce fut passionnant, comme toujours quand on échange avec des gens très différents. Je me suis rendu compte qu’au-delà d’avoir des idées originales d’auteur de SF, le fait de pouvoir dessiner des schémas, voire des engins qui me passaient par la tête était un vrai plus pour mes interlocuteurs. J’ai découvert beaucoup de choses et rencontré des gens plus qu’intéressants. Bref, j’ai passé un bon moment. Et je n’ai eu à tuer personne.

Je suis sorti de cette rencontre sans avoir réussi à trancher dans mes sentiments très contradictoires. Je ne sais toujours pas si c’est la place ou le rôle d’un auteur de SF.

En fait, quelque part, ça rejoint ce que je vis dans la lutte syndicale en faveur des auteurs. Je ne suis pas, politiquement, un grand supporter du libéralisme économique, ni de l’actuel gouvernement. Mais, « en même temps », il faut bien réussir à travailler avec lui. Car si je ne devais travailler qu’avec les pouvoirs publics qui auraient exactement les mêmes valeurs sociétales et politiques que moi, je pourrais attendre longtemps…

Ceci est valable, en fait, pour l’ensemble de nos interactions. À un moment, il faut faire avec le réel, pas avec nos fantasmes.

Bref, quand j’étais plus jeune, j’étais un idéaliste qui se refusait à tout compromis. J’avais fière allure, j’étais bien drapé dans ma dignité, et je pouvais contempler le reste du monde avec les certitudes de celui qui croit connaître le bien et le mal. Depuis, j’ai compris que tout était bien plus compliqué. J’ai appris qu’il n’y avait rien de plus immobilisant que d’avoir peur de se salir les mains. J’ai compris qu’avancer, construire, faire, voire simplement exister ne pouvait se faire sans compromis. J’ai compris que vivre, pleinement, c’était accepter de se tromper. Souvent.

 

Sujet Red Team à 12 mn :

Un étonnant retournement de l’Histoire

The New Yorker est un excellent magazine américain connu pour la qualité de ses auteurs et de ses illustrateurs. Le 17 juillet 1944, un peu plus d’un mois après le débarquement allié en Normandie, il publie une couverture de Rea S. Irvin transposant les événements du moment dans le style de la célèbre Tapisserie de Bayeux.

Cette illustration souligne un étonnant retournement de l’Histoire : en effet, en 1944 les armées venues d’Angleterre ont débarqué sur des plages proches de celle de Dives dont était parti, en 1066, l’armée du duc Guillaume pour conquérir cette même Angleterre. Un peu partout dans la région, ces deux pans d’Histoire se sont télescopés. Par exemple, à Caen, la population s’est abritée des terribles bombardements anglo-américains qui ont rasé une bonne partie de la ville en se réfugiant dans les abbayes romanes édifiées par Guillaume le conquérant.

Par miracle, le débarquement, les bombardements et les batailles de chars qui ont suivi ont épargné la magnifique ville de Bayeux où nous habitons aujourd’hui. C’est même une des rares cités qui n’a pas souffert de la bataille de Normandie, là où tant d’autres ont été partiellement ou totalement rasées, comme Saint-Lô ou Le Havre. Au contraire, Bayeux, située juste en face des plages du débarquement, fut la première ville libérée de France continentale. On a presque l’impression que les Parques, les divinités de la destinée, avaient décidé que la cité et la Tapisserie qu’elle accueille depuis près d’un millénaire devaient être épargnées. Comme s’il fallait s’assurer que ce trésor historique survive pour témoigner de cet étonnant retournement de l’Histoire.

L’original de l’illustration de Rea S. Irvin

Citations et Meilleur des mondes

Je vois sans arrêt passer de fausses citations d’Aldous Huxley, toutes censées être extraites de son chef d’œuvre Le Meilleur des mondes. Très étrange phénomène.

Un premier conseil : s’il y a le mot “dictature”, et c’est le cas presque à chaque fois, c’est à coup sûr une fausse citation (ou une citation mal attribuée). Sachez-le, le mot “dictature” n’est pas utilisé une seule fois dans Le Meilleur des mondes.

Un second conseil : il vaut mieux ne citer que des livres qu’on a lus 🙂


Mise à jour

Je vois depuis que j’ai écrit cette note que ces fausses citations ou mauvaises attributions sont reprises sans cesse un peu partout. Parfois en se référant à l’essai Le Retour au meilleur des mondes qu’Huxley publia en 1956, 26 ans après le roman. S’il contient, lui, le mot dictature, il ne contient pourtant pas les citations que je lui ai vu attribuées.

On retrouve ces fausses citations en particulier sur plein de sites de… citations. Ce qui viendra, hélas, rassurer ceux qui auraient la prudence de faire une rapide vérification. Leur diffusion semblent devenir inarrêtable.

Pourtant Le Meilleur des mondes et Le Retour au meilleur des mondes se trouvent facilement en ligne, ce n’est pas bien compliqué de vérifier à la source. Nous sommes bien, dans ce domaine comme dans tant d’autres, passés à l’ère de la post-vérité. Et c’est le copier-coller systématique qui en sera un des vecteurs.


Mise à jour

Depuis ce message, quelqu’un a fait le travail bien plus sérieusement que moi. Pour en savoir plus sur les fausses citations les plus courantes de Huxley sur Internet : https://www.mathemathieu.fr/art/articles-divers/85-huxley-prosopopee

 

Swift, un langage de programmation très convaincant

Je viens d’utiliser pour la première fois le langage de programmation Swift. J’avais besoin de coder une petite application pour afficher dans la barre de menu de mon Mac l’état du routeur dual WAN de l’atelier.

Je ne sais pas combien de langages de programmation j’ai appris et utilisés depuis le début des années 80, le Sinclair BASIC et l’assembleur du z80, mais à force c’est devenu très facile d’en apprendre un nouveau. Mais, là, avec Swift, je me suis senti chez moi en quelques minutes ! J’ai découvert une syntaxe très claire et précise à la fois. Des objets puissants et paramétrables. J’ai adoré l’interopérabilité transparente avec Objective C comme l’intégration à Xcode, proche de la perfection…

À l’arrivée, Swift est quand même dix fois plus pratique à utiliser qu’Objective C et tout aussi puissant, et il est beaucoup plus simple de générer un binaire stable. J’ai donc pu coder une application pleinement fonctionnelle en quelques heures, malgré ces multiples threads, accès réseau, logs et préférences…

 

 

Et dire qu’en plus Swift est un langage à la fois open source et multiplateformes, Mac OS, iOS puis, Linux, Android, maintenant Windows…

Bref, chapeau, Apple !

Le terinfoute

Avez-vous remarqué qu’une nouvelle unité de mesure des surfaces s’est répandue depuis quelques années ? Les journalistes ne parlent plus en hectares, mais en “terrains de football”. Déjà normalisée sur les chaines grand public, cette magnifique unité est même maintenant utilisée par les journaux de France Culture et d’ARTE…

Le système métrique est pourtant enseigné dans toutes les écoles de la République. La révolution nous avait, au sein de ce système, apporté l’are, comme « la mesure républicaine de superficie pour les terrains, égale à un carré de dix mètres de côté » et son multiple, l’hectare, égal à un carré de 100 m de côté, soit 10 000 m².

Ce beau système métrique, devenu la référence en tant que “Système international d’unités” nous avait donc débarrassé des coudées, lieues et autres sétérées qui changeaient selon l’époque ou le lieu…

Mais que vaut un “terrain de football” en mètres carrés ? Eh bien, on est de retour à l’Ancien Régime, puisque la réponse est : “ça dépend”.

Selon les règlements de la Fédération International de Football (FIFA), la longueur de la ligne de touche d’un terrain de football doit être comprise entre 90 m et 120 m, et sa largeur, la ligne de but, entre 58 m et 90 m… soit une unité de mesure qui vaut entre 5 220 et 10 800 m². Du simple au double ! Même dans le cas des matchs internationaux, les mesures vont de 100 m à 110 m pour la longueur, et de 64 m à 75 m pour la largeur… soit de 6400 à 8 250 m². La FIFA donne, finalement, une moyenne pour le terrain de football de 7 266 m²…

Dans quelques siècles, on se demandera peut-être d’où est venue cette mesure des surfaces en “terinfoute”. On se demandera aussi pourquoi, au début du deuxième millénaire, on a remplacé le système métrique par des unités de mesure aussi imprécises que ce terinfoute, mais aussi le cétrocho ou le avudné.

Pourquoi ? Parce que certains ont décidé qu’il fallait parler aux gens comme à des idiots.

 


Mise à jour

Sur Facebook, un commentaire est revenu plusieurs fois, à savoir que le terinfoute est plus simple, plus accessible, plus visualisable. C’est exactement ce qui me gêne : À un moment, on a présupposé que les gens ne comprenaient ou ne visualisaient plus les mesures apprises à l’école, et on a décidé de leur parler, à tous, comme à des imbéciles incapables de faire le moindre effort. Résultat, en effet, aujourd’hui, l’hectare, ou autres mesures fiables et claires, ne risquent plus d’être comprise vues qu’elles ne sont plus utilisées que par des spécialistes…

C’est avec ce genre de processus, appliqués à tous les champs, qu’on participe à l’abêtissement d’une population. Si on parle en permanence aux citoyens comme s’ils étaient idiots, et il y a de fortes chances qu’ils le deviennent.

Notre-Dame

Certains de mes plus vieux souvenirs d’enfance sont dans le square au pied de Notre-Dame de Paris. Mes grands-parents habitaient non loin de là, au début du Marais, à l’époque où ce n’était pas encore réservé aux riches… Puis j’ai fait une partie de mes études dans la lumière de sa façade sud,, rive gauche, le quartier des écoles et des librairies de Bande Dessinée. Je me souviens des heures passées sur ces quais chez un bouquiniste spécialisé en comics… C’est là, juste en face de Notre-Dame, que Valérie et moi nous sommes rencontrés comme je l’ai dessiné dans cette case d’Abymes. Depuis ce jour-là, nous ne nous sommes plus quittés. Et c’est à cet endroit merveilleux que nous avons eu la chance d’habiter plusieurs années…

Il y a tous ces moments personnels et il y a aussi la passion pour l’architecture médiévale. Je ne compte pas les heures passées à Notre-Dame, autour de Notre-Dame, en haut de Notre-Dame… J’ai accumulé les livres et les articles sur le sujet, et j’ai passé des heures à essayer de comprendre les différentes étapes qui avaient amené à l’édifice d’aujourd’hui… Ceux qui suivent mes actualités m’ont vu blanchir quand la tempête avait éventré la rosace de la façade de la cathédrale de Soisson… Vous imaginez la tête que je fais ce soir…

On verra demain ce qu’il en est. Mais, ce soir, je suis bien content d’habiter loin du quartier, loin de Paris, à Bayeux, au pied d’une autre cathédrale, intacte elle. Ce soir, sa plus triste cloche a longuement sonné le glas pour sa sœur en flamme.