Interview Cyberbulle

Longue interview au sujet de La CyberBulle, 1er festival BD virtuel et réel qui commence cette semaine sur internet, et qui aura sa séquence live ce week-end à Compiègne.

J’en profite pour donner quelques nouvelles de ma production (dont un scoop sur Expérience Mort) et pour reparler de tous les combats pour la cause des auteurs.

J’espère vous voir nombreux ce week-end sur place ou à suivre les lives Internet. Nous avons créé un festival qui au lieu de parquer les lecteurs dans des files de dédicaces va leur apporter plein d’informations sur comment et pourquoi nous faisons de la Bande Dessinée. Montrez-nous que nous avons raison de penser que vous êtes curieux !

Un travail de moine

Yves Rodier, auteur de BD, jette éponge dans un long message d’adieu. Je pense qu’il y résume très bien l’état d’esprit de tous les auteurs qui veulent encore aujourd’hui faire de la bande dessinée de manière perfectionniste, dans le sillage d’Hergé ou de Jacobs. Cette pratique de la BD est un travail de moine solitaire. Elle nous enferme dans une cellule monastique. Elle réclame des vœux de pauvreté, de discipline et parfois de chasteté. Elle réclame un engagement, une vocation totale. Et elle réclame une véritable éternité de temps de travail… Tout ceci est totalement contraire au monde d’aujourd’hui, qui consomme, voire dévore tout à grande vitesse. Les deux conceptions sont même quasiment inconciliables, et je suis étonné du nombre d’auteurs qui résistent encore…

En tout cas, bon courage à lui, se résoudre à rompre ses vœux en Bande Dessinée doit être un moment très dur. J’espère que sa nouvelle vie le récompensera de ce choix difficile.

Ce n’est pas de gaieté de coeur que j’écris ce message. Après une longue période de réflexion de quelques années, étant donné l’état actuel de l’industrie de la BD, de la façon dont les maisons d’édition traitent leurs auteurs comme du bétail selon combien ils leur rapportent, et d’une lassitude et d’un désintérêt de ma part vis-à-vis mon travail, j’ai décidé d’abandonner la bande-dessinée.

Ce ne sera pas une grande nouvelle pour ceux qui me connaissent personnellement. Ils savent que parler de mon travail, et de la BD en général, ne m’intéresse pas. Mes champs d’intérêt sont ailleurs depuis longtemps. Je ne lis plus de BD, je ne m’intéresse plus au milieu de la BD. Je trouve que le détournement élitiste qu’on a fait de cet art, qui était à l’origine destiné à un public jeune, populaire, sans prétention intellectuelle, est très éloigné de mes aspirations.

Je n’ai rien contre la BD d’auteur et je comprend bien qu’en vieillissant, un art doit se raffiner. Mais je suis loin d’être certain que c’est ce qui est en train de se passer. En fait, nous vivons maintenant dans une économie de surproduction, ou on nous demande de tout faire de plus en plus vite! Vite! Il faut sortir un nouvel album “sinon les lecteurs vont oublier”. Pourquoi les éditeurs aiment tant les BD dites d’auteur maintenant, c’est qu’elles peuvent être vite dessinées. L’emphase est mis sur “le message” et non sur l’art. Mais je n’ai pas envie d’attaquer ce genre ou un autre en particulier. Comme je l’ai dit, le vrai problème est qu’on demande maintenant de surproduire pour combler une “demande” (fabriquée de toute pièce) et… tout ça m’éloigne de mon propos.

Moi, je n’ai jamais été un rapide. J’aime prendre mon temps pour faire des recherches graphiques. Recommencer quand ce n’est pas à la hauteur de ce que j’espérais. M’arrêter et réfléchir à la meilleure façon de représenter un mouvement. Créer une composition. Disposer les bulles dans une case pour que ce soit le plus fluide possible. Puis j’aime mettre plein de détails dans mes dessins, puis j’aime encrer à la plume et au pinceau. Lentement. J’aime observer. M’imprégner. Comprendre.

Tout ça pour dire que je ne suis plus à ma place dans le paysage de la bande-dessinée contemporaine. Si j’étais un auteur établi, dont les albums sont attendus et commandés à des centaines de milliers d’exemplaires des mois avant leur sortie, j’aurais sans doute les moyens de m’offrir le luxe d’être lent… Mais même encore, je suis certain que les éditeurs seraient anxieux d’une sortie prochaine pour rafler leur pourcentage. Le Monde a vraiment changé. Il n’y a plus de gloire au “travail bien fait”. La gloire vient maintenant quand ça rapporte de l’argent à ton employeur, le plus rapidement et le plus souvent possible. Et toujours plus.

Ça suffit pour moi. Je tire un trait sur la bande-dessinée. Je vais maintenant essayer de me trouver un travail où mes compétences et mon expérience pourront m’apporter ce que je n’ai jamais eu dans la BD: un salaire régulier, des weekends et des soirées libres, des congés payés, des assurances (chômage, maladie), et une pension de retraite, aussi petite soit-elle, car j’approche les 50 ans. En BD, à moins d’être un gros vendeur, d’avoir des produits dérivés et des adaptations audio-visuelles de ses créations, vous vivez au jour le jour. Avec rien derrière, et encore moins devant.

J’espère que je retrouverai maintenant le plaisir de dessiner… Pour le simple plaisir de me faire plaisir, ou de faire plaisir. Sans me sentir pris à la gorge, obligé de produire en vitesse pour une maison d’édition qui n’apprécie pas tout le travail et la minutie que ça demande, simplement pour réussir à payer mon loyer à la fin du mois.

Même sans tenir compte de l’état actuel de l’industrie, la vie d’un dessinateur n’est pas rose. Wallace Wood, un grand dessinateur de comics américain, avait dit dans une interview quelques temps avant sa mort: “Avoir su qu’être auteur de BD c’était se condamner à la prison, aux travaux forcés, et au confinement solitaire à perpétuité, je ne l’aurais jamais fait.” Écoutant ces sages paroles, je me tire pendant qu’il est encore temps.

C’est une décision que je prends avec tristesse, car faire de la bande-dessinée mon métier était mon rêve d’enfance. Mais la réalité de ce milieu, aujourd’hui, est loin d’être à la hauteur de mon rêve. Je réalise pleinement que je n’ai rien à apporter à la BD d’aujourd’hui. Vaut mieux pour moi arrêter les frais pendant qu’il me reste encore quelques années pour préparer ma vieillesse.

Merci à ceux et celles qui m’ont prodigué leurs encouragements et leur appui tout le long de mon chemin. Je peux vous assurer que ça aura compté beaucoup plus que le salaire que j’ai touché. Vos sourires, vos mots gentils, vos poignées de main, resteront dans mon coeur.

J’espère aussi que les rares albums que j’ai produit continueront à apporter quelques sourires à ceux et celles qui les trouveront et les achèteront dans les brocantes et les marchés aux puces…Yves Rodier

Pas d’auteurs, pas de livres !

Important message SNAC BD :

A la veille du Salon du livre de Paris, le CPE , qui regroupe plusieurs organismes d’auteurs de l’écrit, dont le SNAC, vient de transmettre à la presse une lettre ouverte des auteurs du livre (pour voir la lettre et les noms des premiers signataires cliquez ici ) afin de rendre compte de la dégradation des conditions des auteurs, et des perspectives hélas peu réjouissantes qui nous attendent si nous ne faisons pas entendre notre voix :

Des revenus à la baisse, des réformes sociales pour le moins préoccupantes (RAAP-SECU), un droit d’auteur fragilisé par l’Europe…

La Cyberbulle

Le premier festival BD virtuel + réel

Du 23 au 29 mars prochain, aura lieu un festival BD d’un tout nouveau genre: la Cyberbulle. Créée sous le parrainage de Denis Bajram, elle est à la fois virtuelle et réelle.

Pendant la semaine, elle se tiendra en live sur une plateforme web dédiée : la Cyberbulle et le week-end à l’Université de Technologie de Compiègne.

Là, pas de séance de dédicaces mais de nombreuses conférences sur les nouvelles pratiques de la BD. Voici celles qui nous concernent plus précisement :

 

Samedi 28 mars

10h30-11h30 : Amphithéâtre : Faire de la BD sur un logiciel de retouche d’image avec Denis Bajram

11h-12h : Rencontre avec Valérie Mangin (attention: à la bibliothèque de Compiègne)

14h-15h : Dessin et peinture numérique, avantages et inconvénients avec Matthieu Lauffray, Nicolas Barral, Denis Bajram, Olivier Taduc, Pascal Croci

 

Dimanche 29 mars

10h30-11h30 Concrètement, comment fait-on de la bande dessinée numérique ? Avec Denis Bajram, Nicolas Barral, Jean-Louis Mast, Olivier Taduc

11h30-12h30 : Scénariste, un job de chercheur ou de créateur ? avec Valérie Mangin
12h-13h : Lire sur support numérique : bide ou révolution ? avec Sitthideth Bandassak, Denis Bajram

14h-15h Quand la bande dessinée parle de science(s) Avec Denis Bajram, Charles Lenay, Marion Montaigne, Valérie Mangin

15h30-16h30 Et demain, l’art séquentiel du futur ? Avec Denis Bajram, Marion Montaigne, Valérie Mangin

Journée d’information auteurs

Organisée par le Centre Régional des Lettres de Basse-Normandie

Avis aux auteurs normands. Le mercredi 4 mars prochain, j’interviendrais à Caen lors de la journée d’information sur le nouveau contrat d’édition, les réformes sociales en cours et la formation des auteurs proposée par le CRL Basse-Normandie. Je ne saurais trop recommander à tous les auteurs de prendre ce temps pour mieux comprendre les changements en cours dans le cadre légal et social de leur métier. Attention, sur inscription uniquement.

Vidéo de la session d’ouverture des États Généraux de la BD

Ça y est, nous avons enfin une excellente version de la vidéo de la session d’ouverture des États Généraux de la Bande Dessinée à Angoulême. Le son est corrigé, tout est titré et ce qui était projeté en salle a été monté avec la vidéo. Deux petites heures de spectacle truculent !

Un rapport contre le droit d’auteur

Régime d’exceptions

Un petit courrier à la seule eurodéputée du Parti Pirate, à qui, sans se soucier de la provocation, le parlement européen a demandé un rapport sur le droit d’auteur. Comme attendu, ce rapport est une attaque en règle contre les ayant droits, auteurs inclus. Maintenant, face à la volée de bois vert, elle propose aux auteurs de lui écrire en direct. J’en profite.

Madame Reda,

Vous promotionnez beaucoup les exceptions au droit d’auteur. Difficile a priori d’être contre : qui ne voudrait pas aider les handicapés à accéder à la culture ou les plus pauvres à s’éduquer ?

Mais pourquoi ces exceptions doivent-elle être financées par les créateurs eux-mêmes ? Oserait-on imposer aux bouchers d’offrir leur viande aux familles dans le besoin ? Aux plombiers de faire gratuitement des chantiers pour adapter les salles de bain aux usages des handicapés ? Alors, pourquoi considérez-vous comme légitime de confisquer une part des revenus de leur travail aux créateurs pour ces mêmes raisons ? Si la société veut offrir l’accès nos œuvres à certains de ses citoyens, idée à laquelle on ne peut que souscrire, elle doit le financer elle-même. La solidarité collective doit reposer sur tous, et pas seulement sur quelques-uns.

C’est d’autant plus injuste que la plupart des créateurs tirent déjà de bien faibles revenus de leur travail et vivent dans des situations très précaires, sans contrat de travail, sans assurance sur leur avenir… Si vous pensez que la création et la culture font grandir les peuples, il faudrait soutenir les créateurs plutôt que de leur ôter le pain de la bouche.

J’attends votre réponse avec intérêt.

Cordialement.

PS : je n’ai jamais eu de réponse…

Retour d’Angoulême

Denis lors du point presse suivant les EGBD, photo de Benoît Peeters

Denis et moi venons de passer le festival d’Angoulême le plus intense depuis très longtemps.

La session d’ouverture des États Généraux de la Bande Dessinée, que nous avons portés avec Benoît Peeters, s’est passée au mieux. Quel bonheur de voir réunis institutionnels, éditeurs, libraires, auteurs autour de l’avenir de la bande dessinée ! Merci à tous ceux qui nous ont soutenus, n’oubliez pas de rendre visite de temps en temps au site des etatsgenerauxbd.org.

La marche des auteurs organisée par notre syndicat, le SNAC BD a été aussi un succès. La presse et les médias ont longuement rapporté les deux événements, mettant enfin en pleine lumière les nécessaires combats à mener pour que la Bande Dessinée soit plus forte demain.

Heureusement, ces intenses activités collectives nous ont tout de même laissé un peu de temps pour vous rencontrer lors de plusieurs séances de signatures et surtout, pour Denis, de conférences thématiques autour des métiers de la BD (et du sien précisément aussi).

Le seul bémol a été son absence forcée du concert de dessin auquel il devait participer ce dimanche: il a été retenu par un déjeuner de travail avec la Ministre de la Culture qui s’est prolongé bien au-delà de l’horaire prévu. Denis a passé ensuite l’après-midi à s’excuser auprès des autres concertistes. Mais moi qui étais dans la salle, je peux vous assurer que le spectacle était splendide, même sans lui. Comme quoi, nul n’est indispensable, même si nous sommes sûrs que tous les combats que nous menons pour la Bande Dessinée le sont, eux, aujourd’hui.

La Marche des auteurs

Modeste et courageuse

Une grande majorité des auteurs présents ont défilé ce samedi 31 janvier 2015 pendant le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Les célèbres avec les inconnus, les quelques auteurs de best-sellers apportant leur soutien aux plus pauvres, tous là pour dire stop à la précarisation de leurs métiers. Ils ont marché en compagnie de tous ceux qui le voulaient, lecteurs, éditeurs, libraires…

Photo © Chloé Vollmer-Lo

Ce fut souvent très drôle, le premier rang proposant aux nombreux journalistes présents un petit jeu sur la recherche d’un slogan. Nous affichions volontairement notre inexpérience dans la contestation sociale. Nous essayions sans doute aussi de dépasser notre gêne d’être là, pour la première fois de notre histoire, à déranger les gens avec nos problèmes. Car jamais les auteurs n’avaient manifesté. Jamais nous ne nous étions plaint en public. Jamais nous n’avions demandé un peu d’aide. Et encore, juste, de l’aide pour ne pas nous faire massacrer par un prélèvement social de plus… enfin, pas tout de suite… enfin, d’accord, mais avec un peu de modération en nous laissant le temps de nous y préparer…

Si vous aimez la Bande Dessinée, n’oubliez pas d’aimer ses auteurs. Surtout ceux qu’on n’entend jamais. Ce sont pour la plupart des gens modestes, qui ne demandent pas grand chose, et craignent souvent de déranger. Aujourd’hui, ils sont en colère car ils ont peur de disparaître, et pour la première fois de leur histoire ils osent contester ce qui leur arrive. Vous qui aimez la Bande Dessinée, répandez vous partout, parlez de la discrétion habituelle de ces gens qui ont souvent tant de mal à vivre de leur art, mais continuent parce qu’il croient que ce 9e Art en vaut le coup. Parlez de leur sens de la solidarité alors que peu sont épargnés par la crise. Et enfin, mouchez le nez des commentateurs et des trolls qui partout parlent comme si le petit peuple de la Bande Dessinée n’était constitué que de privilégiés. Faites-le pour eux, car ses auteurs ont hélas souvent trop de décence et pour le faire eux-mêmes.

Quant à nous, les auteurs qui ont du succès, ou qui ont accès aux médias, ou qui ont du courage à revendre, ou qui n’ont même que des grandes gueules à ouvrir, nous ne lâcherons pas. Nous ne sommes pas des survivors qui vont accepter qu’on écrase leurs amis plus modestes. Même si les ricaneurs ricanent, les persifleurs persiflent, les défaitistes défaitisent, les snobs snobisent et les jaloux jalousent. Nous montrerons à tous ces tristes sires qu’ils se trompent. En tout cas, moi, c’est en cette humanité modeste et courageuse à la fois que je crois.

Un grand merci au syndicat SNAC BD pour la superbe organisation de cette Marche des auteurs.

Angoulême 2015

Plein de rendez-vous !

Cette année, je me retrouverai un peu surexposé lors du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. J’y serai, bien sûr, avec Casterman en tant qu’auteur d’Universal War, mais j’y serai aussi en tant que coordinateur des États Généraux de la Bande Dessinée. Je serai enchanté de discuter avec vous, chers lecteurs, à chaque fois que ce sera possible. Et particulièrement à l’occasion de ces rendez-vous très variés :

Jeudi 29 janvier
14h30 15h30 Rencontre “la BD un métier” – Pavillon Jeunes Talents
17H00 19h00 Séance de signatures – sans dessin – Stand Casterman
20h30 21h00 L’émission dessinée – en live sur internet – Salle Némo

Vendredi 30 janvier
10h00 12h00 États Généraux de la Bande Dessinée infos pratiques – Théâtre d’Angoulême
17H00 19h00 Séance de signatures – sans dessin – Stand Casterman

Samedi 31 janvier
10h00 11h30 Rencontre dessinée – je dessinerai numériquement en live – Théâtre d’Angoulême
14H30 15h00 Marche des auteurs – infos pratiques – Départ Champ de Mars
18H00 20h00 Séance de signatures – sans dessin – Stand Casterman

Dimanche 1er février
14h00 16h00 Concert de dessin – Théâtre d’Angoulême