Un bon auteur, c’est un auteur pauvre

Auteurs, autrices, ce qui se passe en ce moment est très grave. Dans le cadre des négociations professionnelles1 le SNE, syndicat des éditeurs, a annoncé qu’il refusait de discuter sérieusement d’une amélioration de la rémunération des auteurs. Le SNE a clairement dit qu’il était « très attaché au modèle actuel »2, confirmant en cela que ce modèle lui est tout à fait favorable. Et tant pis si la plupart des auteurs professionnels se retrouvent dans une situation de grande précarité et de pauvreté. Cela semble être un dommage collatéral parfaitement acceptable pour le SNE.

Vu cette fin de non-recevoir sur la rémunération, l’ensemble des organisations d’auteurs impliquées dans la négociation viennent donc de refuser de signer le peu qui a été obtenu jusque-là. Si le SNE décide de nous marcher dessus de tout son poids, on ne va pas en plus faire semblant de ne pas avoir mal.

Vu ce blocage de la part du SNE et ce déséquilibre manifeste en sa faveur, il est vraiment urgent que le ministère de la Culture prenne enfin ses responsabilités. Comment peut-il ne pas défendre mieux les créateurs précaires face aux dirigeants des industries culturelles ? Si le SNE ne veut pas discuter, tant pis pour lui, c’est maintenant au politique d’imposer un rééquilibrage du partage de la valeur entre éditeurs et auteurs.

Ou alors, qu’on nous dise directement qu’un bon auteur, c’est un auteur pauvre.

Cette note de blog a été reprise par actualitte.com.

Notes

#créerestunmétier

La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a lancé uen campagne à laquele participe la Ligue des auteurs professionnels : #créerestunmétier. Voici mon témoignage.

Depuis 27 ans, créer est un métier pour moi. Mais comme c’est un métier sans salaire ni revenu minimum ni code du travail, ça a été un métier qui m’a à peine nourri pendant de longues années. Et puis, j’ai eu la chance que mes bandes dessinée rencontrent le succès et je suis rentré dans le club très fermé des auteurs qui s’en sortent bien. Mais ça ne veut pas dire que mon métier est beaucoup plus encadré. Souvent, je consacre 90 heures par semaine au travail, surtout quand je suis au dessin. C’est le seul moyen que le résultat soit à peu près au niveau de mes aspirations…

Bref, créer est un métier très exigeant même quand tout se passe au mieux. Alors imaginez la difficulté pour la très grande majorité des créateurs et créatrices qui n’ont pas la chance d’avoir rencontré un vrai succès, mais dont le travail fait tout de même tourner toutes les industries et les commerces culturels !

Créer est un métier et il serait temps que les artistes-auteurs aient enfin un statut professionnel à la hauteur de leur travail.

Pour voir les autres témoignages :

#metoo dans l’édition

Mediapart vient de publier une longue enquête sur Stéphane Marsan, le patron des éditions Bragelonne. Entre remarques sexistes, mains aux fesses et menaces à peine voilées, c’est un portrait assez terrifiant que dressent les nombreux témoignages présentés par l’article.

Bref, c’est à vomir, et on se demande comment il a pu se comporter ainsi aussi longtemps sans avoir à en payer les conséquences. Au moins, maintenant, tout le monde sait.

Le jour ou Samantha Bailly démissionna

Je ne peux que relayer aujourd’hui le message de Samantha Bailly. En plus de 20 ans d’engagement associatif et syndical pour la cause des auteurs, c’est la militante la plus investie, solide et compétente avec qui j’ai pu travailler. Mais tout ce qu’elle et moi, et tant d’autres, avons tenté de changer en faveur des créateurs et créatrices depuis des années se fracasse aujourd’hui sur l’inconséquence des politiques et des pouvoirs publics.
Le message de Samantha :

Suite aux annonces de la ministre Roselyne Bachelot qui enterre les mesures du #RapportRacine, après 3 années intenses d’engagement pour mes pairs, je cesse tous mes mandats. Un tel mépris pour la parole des auteurs et autrices eux-mêmes et pour le dialogue social défie l’imagination.

Voilà désormais 3 ans que je suis engagée bénévolement au quotidien pour l’amélioration des conditions sociales de ma profession. Cela a commencé en 2017 au conseil d’administration de la La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse puis en 2018 à travers la fondation puis la consolidation de la Ligue des auteurs professionnels. J’ai présidé ces deux organisations professionnelles avec enthousiasme et travail acharné, épaulée constamment par des auteurs et autrices formidablement engagés et compétents. Je tiens ici à les remercier du fond du cœur : je n’aurais pas tenu une semaine sans la solidarité à toute épreuve de ceux et celles qui pensent constamment à l’intérêt collectif, à savoir : comprendre les clefs de cet écosystème complexe et agir avec fermeté pour améliorer la condition sociale de nos professions.

Car oui, il s’agit bien d’un combat. D’un combat syndical. Il nous aura fallu longtemps avant de prononcer le mot syndicat et d’en comprendre toute la signification, nous qui baignons dans l’univers du livre. Par sa représentation romantisée de l’acte de création, le monde de la culture tient méticuleusement à distance toute référence au travail pour les créateurs et créatrices. Et pourtant, sans ambiguïté, créer est aussi un travail. Le secteur de la culture emploie 670 000 personnes et pèse pour 2,3% du PIB français : cette richesse économique vient de créateurs et créatrices d’œuvres qui cotisent comme des professionnels et à qui l’on nie encore aujourd’hui des droits fondamentaux en matière de droits sociaux. Les raisons de ce déni ? Notre singularité de créateur et créatrice nous exclurait de facto de toutes les règles de droit commun quand il s’agit de protéger nos professions (mais étrangement, pas quand il s’agit de contribuer !). Cette singularité ferait de nous des individus à part, pour le pire socialement et non pas le meilleur. Cette singularité en viendrait à nier que nous sommes des citoyens et citoyennes français à part entière.

Je voulais vous écrire aujourd’hui pour une raison bien précise. Le jour où la Ligue des auteurs professionnels a franchi la porte d’entrée d’une salle du ministère de la culture, pour rencontrer la mission Racine, Denis Bajram et moi-même avions formulé une promesse à leur équipe. Si la mission Racine échouait, nous rendrions nos mandats. Non par défaitisme. Mais pour dire publiquement l’inaction des pouvoirs publics alors que ces derniers auraient, nous l’espérions, désormais toutes les cartes en main pour agir.

Le rapport Racine le démontrait brillamment : le cœur des enjeux est bien la reconnaissance d’une profession. Tant que cette profession sera niée, tant que le mot travail ne pourra pas être prononcé, alors nous continuerons à vivre le grand n’importe quoi que nous connaissons depuis des décennies – spoliation des droits à la retraite, dégradation des rémunérations, absence de minimums de rémunérations, absence d’élections professionnelles et d’une démocratie sociale, dialogue social entaché de conflits d’intérêts, accès aux prestations sociales plus que chaotique, etc.
Pour que rien ne change… il fallait enterrer les mesures Racine. C’est chose faite officiellement depuis les annonces de la ministre Roselyne Bachelot, qui a pris le parti de « reculer », comme l’indique Le Monde. Les pouvoirs publics ont une immense responsabilité dans la souffrance professionnelle des artistes-auteurs, par leur inaction qui est bien correspond à un manque criant de courage face à des lobbies très installés.

Je vous épargne le traditionnel bilan des actions de ces 3 dernières années : les rapports d’activité des organisations professionnelles jouent très bien ce rôle. Je quitte aussi le conseil d’administration du Centre National du Livre, où ne siègent pas des organisations professionnelles mais des « personnalités qualifiées ». Mon mandat arrive à sa fin, et comme répété mille fois aux pouvoirs publics : il faut que des organisations professionnelles siègent dans les instances concernant les artistes-auteurs, et non pas des personnes, aussi qualifiées ou compétentes soient-elles. Si la personnification importante a ses avantages dans le combat, notamment quand des créateurs et créatrices utilisent leur notoriété pour servir la cause, elle a ses limites. On l’a vu dans le cadre de l’affaire SGDL/ Joann Sfar : la violence de certaines institutions à l’encontre des auteurs et autrices eux-mêmes, des individus donc, a redoublé. Il est bien plus facile de cibler des individus engagés pour tenter de faire taire un mouvement. À ce titre, j’ai moi-même fait l’objet de nombreuses menaces et tentatives d’intimidations depuis le début de l’exercice de mon mandat – et je passe sur les attaques sexistes. Ce n’est pas acceptable. Nous avons besoin d’organisations professionnelles puissantes qui protègent des individus qui se retrouvent de facto en position de partie faible.

J’insiste sur l’importance de distinguer la défense du droit d’auteur de la défense de nos intérêts professionnels. Le droit d’auteur est fondamental, mais n’est ne correspond pas toujours à la défense des intérêts professionnels des auteurs. Le droit d’auteur, par essence, est un droit de propriété qui a en France la particularité de se transmettre aux exploitants des œuvres sans véritables garde-fou concrets pour que nous puissions en contrôler l’exploitation. Il est vital d’établir enfin des règles de représentativité conformes à une démocratie sociale, en cessant de confondre les organismes de gestion collective (sociétés privées sous tutelle du ministère de la Culture) et les syndicats. Comme il a été vital d’enfin faire comprendre que les intérêts des maisons d’édition sont parfois convergents avec ceux des auteurs et autrices, mais souvent divergents. Il y a peu de temps encore, on entendait dire que les auteurs et autrices étaient représentés par les maisons d’édition…

Rien ne change institutionnellement, et pourtant tout change dans nos mentalités. Car il existe bien désormais un mouvement inédit de solidarité entre artistes-auteurs. Une compréhension de plus en plus fine et accrue des enjeux et des points de blocage vers l’obtention de droits sociaux. Et surtout, une détermination à gagner en expertise. Car soyons clairs : les artistes-auteurs ont peu de moyens, en revanche ils auront toujours pour eux leur solidarité, leur créativité et leur capacité à saisir l’outil du droit pour se défendre.

C’est avec beaucoup d’émotion que je vois aujourd’hui la Ligue des auteurs professionnels, simple collectif il y a deux ans, mettre au vote sa transformation en puissant syndicat. Je quitte ma fonction de présidente avec espoir : l’espoir de voir tout ce travail collectif se consolider. La joie à ma petite échelle d’avoir contribué à ce combat collectif si essentiel pour l’avenir de nos professions plus malmenées que jamais. Mais j’éprouve aussi une tristesse profonde : celle de voir qu’aujourd’hui, l’argent du droit d’auteur, l’argent des auteurs donc, est utilisé dans un lobbying à l’encontre de leurs intérêts professionnels. Il y a un gouffre immense entre la représentation que l’on se fait des auteurs et autrices, et la réalité très concrète de leurs droits qui sont constamment bafoués. L’application des mesures du rapport Racine aurait pu changer la donne de façon inédite et historique, elle aurait pu avoir des effets très concrets sur la vie des créateurs et créatrices… Cette chance n’a pas été saisie par les pouvoirs publics. Le combat continue. Il est plus nécessaire que jamais dans cette période.

Samantha Bailly

En relisant les mots de Samantha, et en réfléchissant à la discussion que nous avons eu hier, je repense au long article que j’avais écrit il y a trois ans sur la catastrophe cuturelle que des décennies de mauvaises politiques envers les artistes-auteurs était en train de créer. J’avais nommé cet article Le jour ou la France s’arrêta. En voyant à quel point les espoirs qui avaient été ouverts par le rapport Racine ont finalement été douchés, je me dis que ce jour ou la France s’arrête, ça pourrait ressembler à aujourd’hui.

En conclusion, je ne peux que recommander aux auteurs et autrices du livre qui ne l’auraient déjà fait d’adhérer à la Ligue des auteurs professionnels :

Dessin de Sandrine Bonini

Confinement sanitaire : et nos ateliers ?

Auteurs, autrices, pouvons-nous nous rendre à notre atelier pour travailler ? Il est évident que pour que le confinement sanitaire soit le plus efficace possible, ceux qui le peuvent doivent rester chez eux. Mais le manque de certains matériels ou de place à domicile peuvent imposer de devoir aller travailler à son atelier.

Heureusement, si on lit le décret1 qui régit le confinement sanitaire actuel, il semble tout à fait possible de continuer à s’y rendre, et ce sans limite de temps ni de distance. Je vous renvoie à ce sujet l’analyse juridique2 du syndicat CAAP, qui est comme toujours des plus justes

Cependant on sait que pendant le premier confinement certains représentants des forces de l’ordre se sont montrés très inquisitoriaux. Il ne faut donc surtout pas hésiter à abuser des documents prouvant à la fois que vous êtes auteur et que vous avez un atelier professionnel.

Voici une petite liste de documents à présenter en cas de contrôle :

Attestation de déplacement dérogatoire :

  • Case cochée : « déplacements entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle ».

Attestations que vous êtes artiste-auteur :

  • attestation Urssaf artiste-auteurs
  • avis de situation SIREN (si vous avez un SIREN)
  • copie de relevé récent de droits d’auteur
  • copie de contrat d’édition
  • tout simplement un de vos livres les plus récents

Document prouvant l’existence du local professionnel :

  • copie du bail de location
  • copie de l’avis de taxe foncière
  • attestation d’assurance
  • facture téléphone, EDF etc. récente
  • pourquoi pas copie d’un article de journal présentant l’atelier

N’hésitez pas à multiplier les pièces, au cas où vous tomberiez sur un contrôleur exagérément tatillon.

Voilà, bon courage à tous !

Notes

1Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042475143

2Statut Facebook du CAAP, Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs·trices : https://www.facebook.com/caapartsvisuels/posts/1566750660179920

Pas de pénalité URSSAF, ou presque…

Chers confrères et consœurs, si à cause des nombreux bugs vous n’arrivez pas à déclarer vos revenus sur le site de l’URSSAF avant le 1er septembre, ne paniquez plus : il n’y aura pas de pénalité de retard. L’URSSAF vient en effet enfin d’admettre par un tweet la panade dans laquelle elle a mis les artistes-auteurs.

Ceci dit, c’est la moindre des choses ! Les auteurs et autrices ne sont pour rien dans tout ça, il aurait été hallucinant de les pénaliser ! On aimerait maintenant que l’URSSAF leur présente des excuses, vu les heures de travail perdues à remplir un site dysfonctionnel et les angoisses que ça a provoquées chez beaucoup d’artistes-auteurs. En fait, les pénalités, nous les avons déjà payées, en temps et en stress…

Ces problèmes, nous les avions vu venir à la Ligue des auteurs professionnels. Il y a un an, avec d’autres, nous avions dit aux ministères de tutelle que la réforme ne serait pas prête à temps, que c’était trop risqué, qu’il fallait la reporter d’une année. En vain.

Ce n’est pas la première fois que nous avons raison, hélas. Va-t-on enfin nous écouter ? Va-t-on enfin se rendre compte que nous sommes juste des auteurs et autrices au courant de comment ça se passe pour nous en vrai ? Que nous connaissons mieux les problèmes du terrain que tous ceux qui fantasment de loin sur ce que serait la vie des créateurs et créatrices ? Les pouvoirs publics et leurs mauvais conseilleurs chercheraient à faire couler les plus précaires des artistes-auteurs, ils ne s’y prendraient pas autrement. Mais ce n’est pas un complot, c’est juste la conjonction de l’incompétence et du cause-toujours-tu-m’intéresses.

En clair : il est vraiment urgent que les pouvoirs publics arrêtent de pénaliser les artistes-auteurs au lieu de les aider !

La chaîne du livre comprend-elle la gravité de la situation… pour elle ?

Ces derniers jours, on a pu constater que le SNE, Syndicat national de l’édition, a décidé de traiter la Ligue des auteurs professionnels comme un ennemi. En assemblée générale, son président lui reproche de ne pas être raisonnable, d’avoir des positions excessives, de rendre toute discussion impossible. Jusqu’à proposer d’influencer d’éventuelles élections professionnelles pour écarter les syndicats d’auteurs qui leur déplairaient, au mépris de la démocratie sociale1. Pourtant, pour ce qui est de rendre toute discussion impossible, le SNE a pris plus que sa part dans les dernières années.

Quand nous avions créé les États Généraux de la Bande Dessinée en 2015, c’était dans l’idée de rassembler le plus d’acteurs possible de la BD pour constater la situation et chercher des solutions. Beaucoup accueillirent favorablement la proposition, et acceptèrent d’y participer, dont en particulier le SNE, Syndicat national de l’édition2. Nous étions plein d’espoir.

 

Les partenaires des États Génaraux de la Bande Dessinée en 2015

Mais dès que nous avons publié l’étude auteurs, avec ses constats effrayants, nous avons senti que l’ambiance changeait. Au lieu de dire « il va falloir prendre ce problème à bras le corps », le reste de la chaîne du livre, dans sa très grande majorité, a détourné le regard et bouché ses oreilles. Pire, beaucoup ont nié la situation dévoilée par les réponses de 1500 auteurs et autrices de BD. Encore pire, des éditeurs ont accusé cette enquête statistique, pourtant des plus solides, d’être totalement fausse.

La grande majorité de la chaîne du livre a donc mis fin, de facto, à la discussion : comment travailler ensemble à une amélioration quand on nie l’ampleur voire l’existence d’un problème ? Pour moi qui suis un négociateur dans l’âme, moi qui suis persuadé, peut-être naïvement, que la plupart des humains veulent plutôt arranger les choses, ce fut une grande déception.

Nous, auteurs, autrices, n’avons donc pas eu d’autre choix que de constater cette situation de blocage et de passer à une revendication plus frontale pour essayer de stopper la dégradation de notre situation sociale et économique.

Ce qui s’est passé depuis cinq ans vient confirmer les pires pronostics pour les auteurs et autrices. Pourtant, ceux qui niaient le problème, et refusaient donc de changer quoi que ce soit, ceux-là viennent maintenant nous expliquer que nous sommes de dangereux syndicalistes qui menacent la gentille cohérence de la chaîne du livre…

Il n’est donc pas difficile de prévoir l’avenir si rien ne change. Dans 10 ou 20 ans, la fracture entre les créateurs et créatrices et le reste de l’industrie du livre sera totalement ouverte. Majoritairement, pragmatiquement, les auteurs et autrices feront le choix de se passer de la chaîne du livre pour accéder à leurs lecteurs. C’est à ce moment qu’on entendra tous ceux qui niaient la situation des auteurs, et en particulier le SNE, pleurer sur leur business perdu.

Si les membres du SNE veulent échapper à ce destin, c’est maintenant qu’il faut négocier. Et pas avec ceux qui ont peur d’eux ou les flattent, mais avec ceux qui leur disent la terrible vérité sur la situation. C’est maintenant, pas quand il sera trop tard pour toute la chaîne du livre.

Notes

Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens 2020

Distribution de la revue Le Festival s’invite chez vous à Amiens
Les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens est un des tous meilleurs festivals de France. Mais, cette année, il n’était évidemment pas question de réunir 30 000 personnes en pleine crise sanitaire. Comme l’équipe n’a pas voulu ne rien faire, elle a trouvé de bonnes idées pour nous donner tout de même rendez-vous.
Des directs

De nombreux directs live seront proposés sur la page Facebook du festival. Entre autres avec votre serviteur, samedi matin.

Vendredi 5 juin
– 18h : introduction par Thierry Cavalié, président de l’association On a marché sur la bulle
– battle de dessin en direct avec Greg Blondin, Olivier Frasier, Hardoc et David Périmony

Samedi 6 juin
– 11h15 : table ronde « Quel statut pour les auteurs ? » avec Valérie Mangin et Denis Bajram
– 13h : le coup de cœur bénévole
– 14h : fabrique de la Bande Dessinée avec Laurent Lefeuvre
– 15h : dessin live avec Aude Mermilliod
– 16h : petite fabrique de la Bande Dessinée avec Dav
– 17h : interview avec Cyril Pedrosa

Une revue

L’équipe propose aussi  une revue spéciale Le Festival s’invite chez vous. C’est 86 auteurs et autrices qui ont répondu à l’invitation.

Malgré mon amitié pour les Rendez-vous d’Amiens, j’avoue que je n’ai pas réussi à trouver une idée assez originale pour participer. Il faut dire qu’en plein confinement, ce n’était pas simple de rester positif. Et je ne me voyais pas plomber encore plus l’ambiance…

Bref la revue est dores et déjà distribuée dans Amiens et  lisible en ligne :

Et plus

Enfin, pendant tout le mois de juin, vous pourrez retrouver sur sa page Facebook des vidéos de dessinateurs et dessinatrices, des interviews interactives et bien plus encore…  Bref, un Rendez-vous à ne pas manquer !

Enfin, je tiens à remercier les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens, et en particulier Pascal Mériaux, d’avoir dès le début de la crise sanitaire travaillé à ce que les auteurs et autrices invitées soient payées malgré l’annulation. La plupart ont déjà des revenus très précaires en temps normal et il est donc plus important que jamais de les soutenir. Merci au festival et à ses financeurs d’avoir pris cet engagement.

Sous les Bulles 2020, les auteurs contre-attaquent

En 2013, le documentaire Sous les bulles, l’autre visage du monde de la Bande dessinée faisait grand bruit en mettant les pieds dans le plat de la surproduction de livres et de la déprofessionnalisation des auteurs et autrices.

Aujourd’hui, Maiana Bidegain et Joel Callede ont décidé de proposer un second volet. Car, en sept ans, la situation a fait plus que changer, et pas dans le bon sens. Tandis que les problèmes évoqués dans Sous les bulles continuaient à détruire les conditions de travail des auteurs, plusieurs réformes sociales catastrophiques se sont enchainées pour eux… Ce furent donc sept années de luttes. Dont les auteurs et autrices ne sortent pour l’instant pas vainqueurs, soyons clairs. Et aujourd’hui, voilà que s’y ajoute une effrayante crise sanitaire et économique…

Ce projet de documentaire Sous les Bulles 2020, les auteurs contre-attaquent est donc plus qu’important. Comme il se construit avec un financement participatif, je ne peux que vous recommander d’y apporter votre contribution, même modeste :

En voici la bande annonce :

Et pour ceux qui voudraient revoir le premier documentaire, il est disponible en ligne :

Le mot « professionnel » fait toujours peur

Ce matin, je lis une tribune qui s’en prend au rapport Bruno Racine et à la Ligue des auteurs professionnels sous la plume du président de la SGDL. Voilà qui s’ajoute aux récents propos peu confraternels du SNAC. On comprend mieux les tensions qui ont poussé la Ligue à quitter le CPE.

Aujourd’hui, l’attaque porte sur la notion même de « professionnel ». Clairement, un gros mot.

Rappelons-le : la Ligue se bat pour que le plus d’artistes-auteurs possible aient accès à un solide statut professionnel. Étonnement, ce mot de « professionnel », certains nous le reprochent sans arrêt, depuis le début, comme s’il était excluant, comme s’ils avaient peur de ne pas en faire partie, de se retrouver classer dans une catégorie « amateur ». Rappelons bien de quoi nous parlons : de protection sociale, pas d’autre chose ! Pas de savoir qui fait bien ou mal ses livres ! Notre principal sujet est de mieux protéger les auteurs et autrices qui n’ont pas d’autres moyen d’avoir une protection sociale par ailleurs, parce qu’ils n’ont pas d’autre métier en fait. C’est exactement ce que nous disons dans le document que nous avons remis à la mission Bruno Racine, en proposant de mettre en place un « statut à points » qui permette, en multipliant les critères autres que les revenus, de rattraper le maximum de gens, bien en dessous des seuils actuels, et dans des pratiques bien plus ouvertes, dont l’auto-édition.

Bref, depuis des semaines, c’est l’attaque en règle contre la Ligue des auteurs professionnels, quitte à raconter n’importe quoi, quitte à tordre le bras à la réalité ou à nos propos. À les lire, on a l’impression qu’ils paniquent à l’idée qu’on change le statut des artistes-auteurs. Comme s’ils pensaient que la situation actuelle n’était pas si mal, qu’il n’y avait pas de gros problèmes, qu’il n’y avait pas d’urgence, qu’il n’y avait pas de crises grave pour les artistes-auteurs. De fait, si on évacue les immenses difficultés que rencontrent les auteurs et autrices professionnels aujourd’hui, en effet, la situation ne va pas si mal, on continue à publier des livres et ils continuent à être lus. Bref, en effet, continuons à laisser disparaître tous les professionnels, comme ça il n’y aura plus de problème.

La panique de tous ces gens est multipliée par le fait que, si les choses changent, en plus ce n’est pas du tout de leur fait. Car, oui, en un peu plus d’an d’existence, c’est la Ligue des auteurs professionnels qui a énormément fait bouger les choses. Elle est à la base de toute la séquence qui a amené au rapport Bruno Racine. Elle a longuement travaillé pour apporter une très riche contribution, là où ceux qui pleurent aujourd’hui ont fait les choses, disons, avec beaucoup moins de conviction. Notre faute est donc d’avoir osé faire bouger les choses et d’avoir travaillé pour cela ! Et trop vite, apparemment ! En effet, on nous reproche d’imposer un rythme fou, impossible à suivre. Sacrée Ligue, qui irait trop vite alors qu’elle n’est composée que d’auteurs et autrices bénévoles. Surtout, comment peut-on nous dire que nous allons trop vite ? Comment, ça, il n’y aurait pas d’urgence ? Bref, continuons à laisser disparaître tous les professionnels, comme ça il n’y aura plus d’urgence du tout.

On reproche enfin à la Ligue d’être récente, d’être bien jeune. C’est oublier qu’elle a en partie était fondée par des organisations plus anciennes, dont la Charte et ses 45 ans d’existence. C’est oublier, aussi que ces fondateurs sont des auteurs et autrices bénévoles engagés pour certains depuis 20 ans dans la défense et la représentation de leurs collègues. C’est surtout très maladroit : la Ligue a le bon goût, elle, de ne pas traiter les autres de vieillard ou d’impotent…

Tous ces gens ont fait leur possible pour que le rapport Bruno Racine soit enterré, ou ait le moins de conséquences possibles. Tous ces gens sont en particulier opposés à la création d’élections professionnelles. C’est pour ça qu’il faut s’en prendre à la notion de professionnel. Mais, et surtout, il ne faudrait surtout pas que les artistes auteurs puissent dire qui parlera en leur nom demain pour la gestion de leur statut social. À la Ligue, depuis le début, nous sommes pour cette démocratie professionnelle. Parce qu’il n’y a que les créateurs et créatrices pour savoir qui défend vraiment leurs intérêts réels, qui se bat pour régler leurs problèmes de tous les jours, qui leur offre un avenir. Bref, qui ne fait pas comme s’il n’y avait pas de graves problèmes, de vraies urgences, qui refuse que disparaissent tous les professionnels.

Pour finir, je tiens à remercier tous ceux qui veulent que rien ne change pour une chose : vos attaques sont tellement maladroites que vous êtes en train de faire une formidable publicité à la Ligue. Grâce à vous, les auteurs et autrices commencent à bien mieux voir qui est pour que rien ne change et qui est pour que notre statut se renforce enfin sérieusement !

Bref, auteurs, autrices, laissez tomber ceux qui vous disent que « professionnel » est un gros mot. Si vous voulez rester professionnel, ou le devenir, ou les soutenir, adhérez à la Ligue des auteurs professionnels !