Auteurs & autrices de BD, la Ligue a besoin de vous

Bientôt, ce sont les élections au conseil de la Ligue des auteurs professionnels. L’excellent Frédéric Maupomé ayant présidé avec brio notre syndicat en se donnant à 1000% comme Samantha et moi l’avions fait auparavant, il a l’obligation maintenant de se reposer… enfin, de reprendre son travail d’auteur normal.

Je ne vais pas vous cacher que cela pose un problème côté bande dessinée. Je vais me retrouver seul à la représenter dans un conseil syndical de 14 membres. Je n’ai pas de doute que les autres seront à l’écoute de tout ce que je dirai, mais je ne suis ni disponible tout le temps ni, surtout, infaillible. Même si, depuis les États Généraux de la Bande Dessinée, je continue à être très attentif aux évolutions sociales, économiques, légales et technologiques qui nous concernent dans la BD, je pense que je ne dois pas être seul à parler pour les métiers de la BD à la Ligue.

Enfin, le conseil syndical de la ligue est surtout composé d’auteurs et d’autrices de textes. En fait, je suis le seul à y tenir un pinceau aujourd’hui. Il faudrait donc que dessinateurs, dessinatrices et coloristes se présentent à nos élections pour mieux veiller aux sujets qui les concernent en particulier.

Être au conseil, c’est bien sûr prenant, c’est la certitude d’ajouter des heures de travail à des semaines déjà trop courtes. En échange, c’est l’assurance de se sentir un peu plus utile aux autres dans un métier souvent trop individualiste. C’est aussi l’occasion de se former rapidement au droit d’auteur, aux complexités sociales et fiscales, mais aussi aux enjeux économiques et sociétaux à long terme de notre profession d’artiste-auteur. En vous engageant à la Ligue, vous aiderez donc surtout les autres, mais vous vous préparerez aussi à surmonter les difficultés de nos métiers

N’hésitez pas à venir discuter de votre éventuelle candidature en privé avec moi. Et si vous voulez commencer plus doucement, vous pouvez aussi rejoindre le rang de nos bénévoles actifs !

Est-ce aux pouvoirs publics de choisir les syndicats ?

Depuis la fondation de la Ligue des auteurs professionnels nous réclamons une démocratie sociale digne de ce nom pour les artistes-auteurs. Et on en est loin.

En effet, fin février, le ministère de la Culture organisait une réunion pour préparer le prochain cycle de négociation entre auteurs et éditeurs. Au moins deux organisations syndicales qui souhaitent pourtant participer aux négociations n’étaient pas conviées : côté auteurs le CAAP, Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs·trices, et côté éditeurs la FEDEI, Fédération des éditions indépendantes.

Le CAAP est pourtant en pointe depuis des années dans la défense des artistes-auteurs, et a en parallèle été nommé, faute d’élection, par ce même ministère au conseil d’administration de la Sécurité Sociale des Artistes-Auteurs.

Le CAAP ne s’est pas démonté, et s’est présenté à la réunion avec un commissaire de justice (un huissier) pour faire constater l’entrave aux libertés syndicales. Malgré cela, on lui en a interdit l’entrée. Va-t-il falloir à nouveau retourner devant la justice ? Rappelons que le CAAP et la Ligue ont déjà dû assigner le ministère de la Culture devant le Conseil d’État pour que le droit français transcrive correctement la « rémunération appropriée et proportionnelle » obligatoire au niveau européen1.

Bref, voici ce qui se passe lorsqu’il n’y a pas de d’élections professionnelles : ce ne sont pas les artistes-auteurs eux-mêmes, mais les pouvoirs publics qui décident qui a le droit ou pas de représenter… les artistes-auteurs. Est-ce cela la démocratie sociale ?

Cher ministère de la Culture, doit-on encore une fois vous citer le rapport Bruno Racine2 ?

En proposant un calendrier de mise en œuvre de ses recommandations, la mission souligne que certaines de ces mesures conditionnent les autres. Il s’agit en effet :

– de renforcer les artistes-auteurs collectivement, par l’organisation rapide d’élections professionnelles qui permettront de donner corps et légitimité au Conseil national des artistes-auteurs à créer afin de servir de cadre à la négociation collective avec les diffuseurs.

Notes

Écrivez à vos parlementaires pour aider les auteurs

Dans une tribune publiée par Le Monde, un collectif rassemblant plusieurs organisations professionnelles représentatives des artistes-auteurs, dont la Ligue des auteurs professionnels, demande au Parlement de transcrire dans le droit français l’obligation européenne d’instaurer le principe d’une juste rémunération de la création. Les organisations proposent que vous interpelliez vous-mêmes les parlementaires à ce sujet. Je republie ici le texte de cet appel et le mode d’emploi pour nous aider.

« LES AUTEURS RÉCLAMENT LA TRANSPOSITION DE LEUR DROIT À UNE RÉMUNÉRATION APPROPRIÉE ! »

Suite à la demande de la Ligue des auteurs professionnels et du CAAP, le Conseil d’État a condamné le Ministère de la Culture pour excès de pouvoir et annulé partiellement l’ordonnance du 12 mai 2021 portant transposition de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 parce qu’elle ne prévoit pas que les auteurs cédant leurs droits exclusifs pour l’exploitation de leurs œuvres ont le droit de percevoir une rémunération appropriée !

C’est une victoire pour les artistes-auteurs et autrices ! Mais le combat continue. Nous demandons maintenant la reconnaissance en droit français de ce droit, pour qu’il puisse désormais être établi, dans tous les domaines de la création !

AIDEZ-NOUS : INTERPELLEZ VOS PARLEMENTAIRES !

Si vous voulez aider les artistes-auteurs et artistes-autrices, nous vous proposons d’envoyer à vos parlementaires ce courrier. Vous n’avez qu’à copier-coller ce texte et choisir au début et à la fin à qui vous vous adressez.

Monsieur le député,
Madame la députée,
Monsieur le sénateur,
Madame la sénatrice,

Dans une décision n° 45-4477 du 15 novembre 2022, le Conseil d’État vient d’annuler en partie une ordonnance du Ministère de la Culture du 12 mai 2021 en tant qu’elle ne transposait pas le droit à une rémunération appropriée pour les artistes-auteurs et autrices.

Je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour transposer à la lettre dans le droit français cette obligation européenne : il s’agit de l’un des droits les plus élémentaires des artistes-auteurs et autrices : être rémunérés pour leur création de manière appropriée.

Je vous demande de défendre auprès d’eux :

  • qu’il n’est pas approprié de ne pas prévoir de versement de droits d’auteur ou de prévoir des pourcentages de rémunération proportionnelle ridiculement bas ;
  • que le caractère approprié de nos rémunérations doit s’apprécier au regard de l’étendue et de la durée de cession de nos droits, trop souvent imposées par les exploitants de nos œuvres.
  • qu’il n’est pas approprié, dans le cadre d’une commande, de ne pas payer le travail de conception de l’œuvre (autrement que par une avance amortissable) et de demander aux artistes-auteurs et autrices de rembourser les sommes qui leur ont été versées pour le travail de création intellectuelle d’une œuvre ;
  • qu’il n’est pas approprié que des exploitants de nos œuvres puissent nous imposer une cession gratuite via des règlements ou d’autres formes de contrats d’adhésion ;
  • qu’il n’est pas approprié que, dans les appels d’offres publics, il soit demandé aux candidats de fournir un travail gratuit.

J’espère que vous saurez soutenir à l’Assemblée nationale ou au Sénat les propositions qui iront dans ce sens.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le député, Madame la députée, Monsieur le sénateur, Madame la sénatrice, l’expression de ma haute considération.

Pour contacter votre député ou députée, obtenir son nom, son adresse e-mail ou son adresse postale, consultez le site de l’Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr

Pour contacter vos sénateurs et sénatrices, consultez le site du Sénat : www.senat.fr

Auteurs et artistes, vous pouvez bien sûr écrire une lettre plus personnalisée, témoignant de votre situation. Vous pouvez même demander, individuellement ou collectivement, à rencontrer vos parlementaires pour leur parler des difficultés actuelles des créateurs !

Il en va de l’avenir de nos métiers !

Colloque « Propriété intellectuelle et pop culture » au Palais Bourbon

Le jeudi 15 décembre, je serai à Paris au Palais Bourbon pour la 4e édition du colloque « Propriété intellectuelle et pop culture » organisé par le CEIPI et la Ligue des auteurs professionnels en collaboration avec Quatrebarbes, SCAN Avocats, Artlex, GUIU IP, LexisNexis France et ARDAN. Au programme : Jeux vidéos, NFT, Bande dessinée, Intelligences artificielles…

J’interviendrai lors de la table ronde « Mid-journey et autres intelligences artificielles : menace fantôme pour les métiers de la bd ? » le matin à 10h aux côtés de Stéphanie Le Cam, maître de conférences à l’Université Rennes 2 et directrice générale de la Ligue des auteurs professionnels, Caroline Le Goffic, professeur à l’Université de Lille Marie-Anne Ferry-Fall, directrice générale de l’ADAGP et Frédéric Maupomé, scénariste de BD.

Date :
Jeudi 15 décembre 2022 de 9h à 18h

Lieu :
Palais Bourbon (Assemblée Nationale), Salle Colbert
26 Rue de l’Université 75007 Paris

L’inscription est obligatoire :
https://sondagesv3.unistra.fr/index.php/768825?lang=fr

Liste des intervenants :
Denis Bajram, Yann Basire, Émilie Bulledop, Stéphanie Carre, Jean-Pierre Clavier, Carole Couson, Nathalie De Quatrebarbes, Jean-Marc Deltorn, Julien Delucenay, Anaïs Dépinoy, Marie-Anne Ferry-Fall, Aurelie Guetin, Denis Goulette, Stéphanie Le Cam, Caroline Le Goffic, Frédéric Maupomé, Alexandre Nappey, Xavier Pres, Mathieu Salvia, Laurent Teyssèdre, Gilles Vercken.

Un bon auteur, c’est un auteur pauvre

Auteurs, autrices, ce qui se passe en ce moment est très grave. Dans le cadre des négociations professionnelles1 le SNE, syndicat des éditeurs, a annoncé qu’il refusait de discuter sérieusement d’une amélioration de la rémunération des auteurs. Le SNE a clairement dit qu’il était « très attaché au modèle actuel »2, confirmant en cela que ce modèle lui est tout à fait favorable. Et tant pis si la plupart des auteurs professionnels se retrouvent dans une situation de grande précarité et de pauvreté. Cela semble être un dommage collatéral parfaitement acceptable pour le SNE.

Vu cette fin de non-recevoir sur la rémunération, l’ensemble des organisations d’auteurs impliquées dans la négociation viennent donc de refuser de signer le peu qui a été obtenu jusque-là. Si le SNE décide de nous marcher dessus de tout son poids, on ne va pas en plus faire semblant de ne pas avoir mal.

Vu ce blocage de la part du SNE et ce déséquilibre manifeste en sa faveur, il est vraiment urgent que le ministère de la Culture prenne enfin ses responsabilités. Comment peut-il ne pas défendre mieux les créateurs précaires face aux dirigeants des industries culturelles ? Si le SNE ne veut pas discuter, tant pis pour lui, c’est maintenant au politique d’imposer un rééquilibrage du partage de la valeur entre éditeurs et auteurs.

Ou alors, qu’on nous dise directement qu’un bon auteur, c’est un auteur pauvre.

Cette note de blog a été reprise par actualitte.com.

Notes

#créerestunmétier

La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a lancé uen campagne à laquele participe la Ligue des auteurs professionnels : #créerestunmétier. Voici mon témoignage.

Depuis 27 ans, créer est un métier pour moi. Mais comme c’est un métier sans salaire ni revenu minimum ni code du travail, ça a été un métier qui m’a à peine nourri pendant de longues années. Et puis, j’ai eu la chance que mes bandes dessinée rencontrent le succès et je suis rentré dans le club très fermé des auteurs qui s’en sortent bien. Mais ça ne veut pas dire que mon métier est beaucoup plus encadré. Souvent, je consacre 90 heures par semaine au travail, surtout quand je suis au dessin. C’est le seul moyen que le résultat soit à peu près au niveau de mes aspirations…

Bref, créer est un métier très exigeant même quand tout se passe au mieux. Alors imaginez la difficulté pour la très grande majorité des créateurs et créatrices qui n’ont pas la chance d’avoir rencontré un vrai succès, mais dont le travail fait tout de même tourner toutes les industries et les commerces culturels !

Créer est un métier et il serait temps que les artistes-auteurs aient enfin un statut professionnel à la hauteur de leur travail.

Pour voir les autres témoignages :

#metoo dans l’édition

Mediapart vient de publier une longue enquête sur Stéphane Marsan, le patron des éditions Bragelonne. Entre remarques sexistes, mains aux fesses et menaces à peine voilées, c’est un portrait assez terrifiant que dressent les nombreux témoignages présentés par l’article.

Bref, c’est à vomir, et on se demande comment il a pu se comporter ainsi aussi longtemps sans avoir à en payer les conséquences. Au moins, maintenant, tout le monde sait.

Le jour ou Samantha Bailly démissionna

Je ne peux que relayer aujourd’hui le message de Samantha Bailly. En plus de 20 ans d’engagement associatif et syndical pour la cause des auteurs, c’est la militante la plus investie, solide et compétente avec qui j’ai pu travailler. Mais tout ce qu’elle et moi, et tant d’autres, avons tenté de changer en faveur des créateurs et créatrices depuis des années se fracasse aujourd’hui sur l’inconséquence des politiques et des pouvoirs publics.
Le message de Samantha :

Suite aux annonces de la ministre Roselyne Bachelot qui enterre les mesures du #RapportRacine, après 3 années intenses d’engagement pour mes pairs, je cesse tous mes mandats. Un tel mépris pour la parole des auteurs et autrices eux-mêmes et pour le dialogue social défie l’imagination.

Voilà désormais 3 ans que je suis engagée bénévolement au quotidien pour l’amélioration des conditions sociales de ma profession. Cela a commencé en 2017 au conseil d’administration de la La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse puis en 2018 à travers la fondation puis la consolidation de la Ligue des auteurs professionnels. J’ai présidé ces deux organisations professionnelles avec enthousiasme et travail acharné, épaulée constamment par des auteurs et autrices formidablement engagés et compétents. Je tiens ici à les remercier du fond du cœur : je n’aurais pas tenu une semaine sans la solidarité à toute épreuve de ceux et celles qui pensent constamment à l’intérêt collectif, à savoir : comprendre les clefs de cet écosystème complexe et agir avec fermeté pour améliorer la condition sociale de nos professions.

Car oui, il s’agit bien d’un combat. D’un combat syndical. Il nous aura fallu longtemps avant de prononcer le mot syndicat et d’en comprendre toute la signification, nous qui baignons dans l’univers du livre. Par sa représentation romantisée de l’acte de création, le monde de la culture tient méticuleusement à distance toute référence au travail pour les créateurs et créatrices. Et pourtant, sans ambiguïté, créer est aussi un travail. Le secteur de la culture emploie 670 000 personnes et pèse pour 2,3% du PIB français : cette richesse économique vient de créateurs et créatrices d’œuvres qui cotisent comme des professionnels et à qui l’on nie encore aujourd’hui des droits fondamentaux en matière de droits sociaux. Les raisons de ce déni ? Notre singularité de créateur et créatrice nous exclurait de facto de toutes les règles de droit commun quand il s’agit de protéger nos professions (mais étrangement, pas quand il s’agit de contribuer !). Cette singularité ferait de nous des individus à part, pour le pire socialement et non pas le meilleur. Cette singularité en viendrait à nier que nous sommes des citoyens et citoyennes français à part entière.

Je voulais vous écrire aujourd’hui pour une raison bien précise. Le jour où la Ligue des auteurs professionnels a franchi la porte d’entrée d’une salle du ministère de la culture, pour rencontrer la mission Racine, Denis Bajram et moi-même avions formulé une promesse à leur équipe. Si la mission Racine échouait, nous rendrions nos mandats. Non par défaitisme. Mais pour dire publiquement l’inaction des pouvoirs publics alors que ces derniers auraient, nous l’espérions, désormais toutes les cartes en main pour agir.

Le rapport Racine le démontrait brillamment : le cœur des enjeux est bien la reconnaissance d’une profession. Tant que cette profession sera niée, tant que le mot travail ne pourra pas être prononcé, alors nous continuerons à vivre le grand n’importe quoi que nous connaissons depuis des décennies – spoliation des droits à la retraite, dégradation des rémunérations, absence de minimums de rémunérations, absence d’élections professionnelles et d’une démocratie sociale, dialogue social entaché de conflits d’intérêts, accès aux prestations sociales plus que chaotique, etc.
Pour que rien ne change… il fallait enterrer les mesures Racine. C’est chose faite officiellement depuis les annonces de la ministre Roselyne Bachelot, qui a pris le parti de « reculer », comme l’indique Le Monde. Les pouvoirs publics ont une immense responsabilité dans la souffrance professionnelle des artistes-auteurs, par leur inaction qui est bien correspond à un manque criant de courage face à des lobbies très installés.

Je vous épargne le traditionnel bilan des actions de ces 3 dernières années : les rapports d’activité des organisations professionnelles jouent très bien ce rôle. Je quitte aussi le conseil d’administration du Centre National du Livre, où ne siègent pas des organisations professionnelles mais des « personnalités qualifiées ». Mon mandat arrive à sa fin, et comme répété mille fois aux pouvoirs publics : il faut que des organisations professionnelles siègent dans les instances concernant les artistes-auteurs, et non pas des personnes, aussi qualifiées ou compétentes soient-elles. Si la personnification importante a ses avantages dans le combat, notamment quand des créateurs et créatrices utilisent leur notoriété pour servir la cause, elle a ses limites. On l’a vu dans le cadre de l’affaire SGDL/ Joann Sfar : la violence de certaines institutions à l’encontre des auteurs et autrices eux-mêmes, des individus donc, a redoublé. Il est bien plus facile de cibler des individus engagés pour tenter de faire taire un mouvement. À ce titre, j’ai moi-même fait l’objet de nombreuses menaces et tentatives d’intimidations depuis le début de l’exercice de mon mandat – et je passe sur les attaques sexistes. Ce n’est pas acceptable. Nous avons besoin d’organisations professionnelles puissantes qui protègent des individus qui se retrouvent de facto en position de partie faible.

J’insiste sur l’importance de distinguer la défense du droit d’auteur de la défense de nos intérêts professionnels. Le droit d’auteur est fondamental, mais n’est ne correspond pas toujours à la défense des intérêts professionnels des auteurs. Le droit d’auteur, par essence, est un droit de propriété qui a en France la particularité de se transmettre aux exploitants des œuvres sans véritables garde-fou concrets pour que nous puissions en contrôler l’exploitation. Il est vital d’établir enfin des règles de représentativité conformes à une démocratie sociale, en cessant de confondre les organismes de gestion collective (sociétés privées sous tutelle du ministère de la Culture) et les syndicats. Comme il a été vital d’enfin faire comprendre que les intérêts des maisons d’édition sont parfois convergents avec ceux des auteurs et autrices, mais souvent divergents. Il y a peu de temps encore, on entendait dire que les auteurs et autrices étaient représentés par les maisons d’édition…

Rien ne change institutionnellement, et pourtant tout change dans nos mentalités. Car il existe bien désormais un mouvement inédit de solidarité entre artistes-auteurs. Une compréhension de plus en plus fine et accrue des enjeux et des points de blocage vers l’obtention de droits sociaux. Et surtout, une détermination à gagner en expertise. Car soyons clairs : les artistes-auteurs ont peu de moyens, en revanche ils auront toujours pour eux leur solidarité, leur créativité et leur capacité à saisir l’outil du droit pour se défendre.

C’est avec beaucoup d’émotion que je vois aujourd’hui la Ligue des auteurs professionnels, simple collectif il y a deux ans, mettre au vote sa transformation en puissant syndicat. Je quitte ma fonction de présidente avec espoir : l’espoir de voir tout ce travail collectif se consolider. La joie à ma petite échelle d’avoir contribué à ce combat collectif si essentiel pour l’avenir de nos professions plus malmenées que jamais. Mais j’éprouve aussi une tristesse profonde : celle de voir qu’aujourd’hui, l’argent du droit d’auteur, l’argent des auteurs donc, est utilisé dans un lobbying à l’encontre de leurs intérêts professionnels. Il y a un gouffre immense entre la représentation que l’on se fait des auteurs et autrices, et la réalité très concrète de leurs droits qui sont constamment bafoués. L’application des mesures du rapport Racine aurait pu changer la donne de façon inédite et historique, elle aurait pu avoir des effets très concrets sur la vie des créateurs et créatrices… Cette chance n’a pas été saisie par les pouvoirs publics. Le combat continue. Il est plus nécessaire que jamais dans cette période.

Samantha Bailly

En relisant les mots de Samantha, et en réfléchissant à la discussion que nous avons eu hier, je repense au long article que j’avais écrit il y a trois ans sur la catastrophe cuturelle que des décennies de mauvaises politiques envers les artistes-auteurs était en train de créer. J’avais nommé cet article Le jour ou la France s’arrêta. En voyant à quel point les espoirs qui avaient été ouverts par le rapport Racine ont finalement été douchés, je me dis que ce jour ou la France s’arrête, ça pourrait ressembler à aujourd’hui.

En conclusion, je ne peux que recommander aux auteurs et autrices du livre qui ne l’auraient déjà fait d’adhérer à la Ligue des auteurs professionnels :

Dessin de Sandrine Bonini

Confinement sanitaire : et nos ateliers ?

Auteurs, autrices, pouvons-nous nous rendre à notre atelier pour travailler ? Il est évident que pour que le confinement sanitaire soit le plus efficace possible, ceux qui le peuvent doivent rester chez eux. Mais le manque de certains matériels ou de place à domicile peuvent imposer de devoir aller travailler à son atelier.

Heureusement, si on lit le décret1 qui régit le confinement sanitaire actuel, il semble tout à fait possible de continuer à s’y rendre, et ce sans limite de temps ni de distance. Je vous renvoie à ce sujet l’analyse juridique2 du syndicat CAAP, qui est comme toujours des plus justes

Cependant on sait que pendant le premier confinement certains représentants des forces de l’ordre se sont montrés très inquisitoriaux. Il ne faut donc surtout pas hésiter à abuser des documents prouvant à la fois que vous êtes auteur et que vous avez un atelier professionnel.

Voici une petite liste de documents à présenter en cas de contrôle :

Attestation de déplacement dérogatoire :

  • Case cochée : « déplacements entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle ».

Attestations que vous êtes artiste-auteur :

  • attestation Urssaf artiste-auteurs
  • avis de situation SIREN (si vous avez un SIREN)
  • copie de relevé récent de droits d’auteur
  • copie de contrat d’édition
  • tout simplement un de vos livres les plus récents

Document prouvant l’existence du local professionnel :

  • copie du bail de location
  • copie de l’avis de taxe foncière
  • attestation d’assurance
  • facture téléphone, EDF etc. récente
  • pourquoi pas copie d’un article de journal présentant l’atelier

N’hésitez pas à multiplier les pièces, au cas où vous tomberiez sur un contrôleur exagérément tatillon.

Voilà, bon courage à tous !

Notes

1Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042475143

2Statut Facebook du CAAP, Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteurs·trices : https://www.facebook.com/caapartsvisuels/posts/1566750660179920

Pas de pénalité URSSAF, ou presque…

Chers confrères et consœurs, si à cause des nombreux bugs vous n’arrivez pas à déclarer vos revenus sur le site de l’URSSAF avant le 1er septembre, ne paniquez plus : il n’y aura pas de pénalité de retard. L’URSSAF vient en effet enfin d’admettre par un tweet la panade dans laquelle elle a mis les artistes-auteurs.

Ceci dit, c’est la moindre des choses ! Les auteurs et autrices ne sont pour rien dans tout ça, il aurait été hallucinant de les pénaliser ! On aimerait maintenant que l’URSSAF leur présente des excuses, vu les heures de travail perdues à remplir un site dysfonctionnel et les angoisses que ça a provoquées chez beaucoup d’artistes-auteurs. En fait, les pénalités, nous les avons déjà payées, en temps et en stress…

Ces problèmes, nous les avions vu venir à la Ligue des auteurs professionnels. Il y a un an, avec d’autres, nous avions dit aux ministères de tutelle que la réforme ne serait pas prête à temps, que c’était trop risqué, qu’il fallait la reporter d’une année. En vain.

Ce n’est pas la première fois que nous avons raison, hélas. Va-t-on enfin nous écouter ? Va-t-on enfin se rendre compte que nous sommes juste des auteurs et autrices au courant de comment ça se passe pour nous en vrai ? Que nous connaissons mieux les problèmes du terrain que tous ceux qui fantasment de loin sur ce que serait la vie des créateurs et créatrices ? Les pouvoirs publics et leurs mauvais conseilleurs chercheraient à faire couler les plus précaires des artistes-auteurs, ils ne s’y prendraient pas autrement. Mais ce n’est pas un complot, c’est juste la conjonction de l’incompétence et du cause-toujours-tu-m’intéresses.

En clair : il est vraiment urgent que les pouvoirs publics arrêtent de pénaliser les artistes-auteurs au lieu de les aider !