Je râlais encore il y a peu sur Twitter sur le fait que la promesse du gouvernement de compenser la CSG des artistes auteurs n’avait pas été traduite concrètement, qu’on attendait toujours un décret. Et bien, enfin, ce matin, ce décret est paru au journal officiel. On a envie de crier victoire, tellement il a fallu lutter pour obtenir cette compensation. Car c’est une vraie victoire, après des mois de rendez-vous, de multiples pressions politiques et médiatiques. Je ne sais pas combien de temps a été consacré à ce seul dossier. Et il aura finalement fallu que le Ministère de la Culture débloque une grosse subvention pour y parvenir (on nous a soufflé dans les 20 millions d’euros). Ouf !
Victoire ? Sans aucun doute… mais avec un goût de défaite dans la bouche. En premier parce que cela revient à remplir les caisses de la sécurité sociale avec une subvention du Ministère de la Culture. Pas terrible du tout.
Mais surtout, il risque d’y avoir des oubliés de cette mesure. C’est à dire les auteurs et artistes les plus pauvres, ceux qui sont sous le seuil d’affiliation (8 784 € en 2017). Comment l’AGESSA ou la MDA vont les prendre en compte, ces précaires qui parfois n’ont même pas de sécurité sociale ? Le décret n’en dit rien. Il renvoie même à un article de loi qui ne concerne que les affiliés.
Pourtant, dans le cas des auteurs du livre, ils sont précomptés par leurs éditeurs et payent donc la CSG et sa hausse. On ne peut pas les laisser perdre définitivement 0.95% de leur minuscule pouvoir d’achat en 2018 ! Il va falloir veiller très attentivement à ce que les conventions avec la MDA et l’AGESSA prennent en compte ces auteurs. Autrement, le gouvernement aura marché d’un pas négligent sur les plus pauvres parmi les plus pauvres des créateurs.
Mise à jour
Le CPE, qui rassemble les organisations d’auteur, vient de confirmer les craintes :
Communiqué suite au décret du 15 mai 2018
Le Conseil Permanent des Ecrivains prend acte de la publication du décret du 15 mai 2018 relatif à l’augmentation non compensée de la CSG pour les auteurs.
Ce décret constitue de toute évidence une étape importante pour nos revendications, mais laisse aux auteurs un certain goût d’inachevé.
La mesure proposée s’apparente à une aide financière ponctuelle, plus qu’à un véritable dispositif automatique de compensation de la hausse de la CSG permettant de rétablir une inégalité de traitement des auteurs. Elle ne s’appliquerait malheureusement, et de fait, qu’aux seuls auteurs affiliés (AGESSA/MDA) et ne constituera, en aucun cas, une augmentation de leur pouvoir d’achat.
Ce décret laisse en suspens plusieurs interrogations quant à la mise en œuvre pratique de ce dispositif et ne dit rien de la pérennité d’un système de compensation pour tous les auteurs à partir de 2019, comme annoncé par la ministre de la Culture dans un communiqué du 28 novembre 2017.
Le CPE, qui sera reçu ce soir au ministère de la Culture, aura donc l’occasion d’interroger la ministre sur l’ensemble de ces points, quelques jours avant la tenue des Etats généraux du livre le 22 mai prochain.
Par ailleurs, si le CPE déplore l’absence extrêmement dommageable des services de la Direction de la sécurité sociale à ses Etats généraux, il a récemment été informé par la ministre de la Culture qu’il sera invité à participer, au mois de juin, à une réunion de présentation de la réforme du recouvrement des cotisations sociales pour le régime des artistes auteurs, en présence des services du ministère des Affaires Sociales.
Nous souhaitons vivement que cette réunion soit l’occasion d’entamer enfin, sur ces réformes sociales déterminantes pour l’avenir des auteurs, la concertation et les échanges que nous appelons de nos vœux depuis bientôt cinq ans.
Source : http://www.conseilpermanentdesecrivains.org/communique-decret-du-15-mai-2018