La crétinisation des mieux éduqués

Le feuilleton du pessimisme continue sur mon site. C’est au tour d’Emmanuel Todd de nous promettre des lendemains sans démocratie. Avec, au centre des questionnements, la fracture éducative et la crétinisation des élites. Ou comment une éducation de masse qui n’aura été que partielle se retourne finalement contre la démocratie.

Je m’aperçois encore une fois que je suis définitivement plus optimiste qu’on pourrait le penser. Car si je fais partie de la confrérie des cassandres, des prophètes de mauvais augures et des annonceurs de catastrophes, c’est en espérant, sans doute un peu bêtement, que la prise de conscience suffira à ce que les humains fassent tout pour empêcher ces catastrophes d’arriver. Je veux être le plus mauvais prophète de tous les temps. Je veux croire que l’humanité me donnera tort. Je veux croire en nous !

Emmanuel Todd : « La crétinisation des mieux éduqués est extraordinaire »

Pour l’historien Emmanuel Todd, la vraie fracture n’est aujourd’hui plus sociale, mais éducative. Et la démocratie est vouée à disparaître en Europe.

Il dit avoir voulu «revenir au plaisir de l’observation historique». Mais avec Où en sommes-nous ? (Seuil), l’historien et démographe Emmanuel Todd se fait aussi le chroniqueur – pessimiste – de notre actualité, qu’il entend replacer dans le temps long. «Notre modernité, écrit-il, ressemble fort à une marche vers la servitude.»

Trump, Brexit, Macron. Vous analysez les bouleversements au sein des démocraties moins comme les résultats d’une fracture sociale que d’une fracture éducative…<

Nous vivons une phase décisive : l’émergence pleine et entière d’une nouvelle confrontation fondée sur les différences d’éducation. Jusqu’ici, la vieille démocratie reposait sur un système social fondé sur l’alphabétisation de masse mais très peu de gens avaient fait des études supérieures. Cela impliquait que les gens d’en haut s’adressaient aux gens simples pour exister socialement – même les dominants et même la droite. On a cru que la propagation de l’éducation supérieure était un pas en avant dans l’émancipation, l’esprit de Mai 68 finalement. Mais on n’a pas vu venir le fait que tout le monde n’allait pas faire des études supérieures : selon les pays, entre 25 % et 50 % des jeunes générations font des études supérieures, et dans la plupart d’entre eux leur nombre commence à stagner. Les sociétés ont ainsi adopté une structure éducative stratifiée. «En haut»,une élite de masse (en gros, un tiers de la population) qui s’est repliée sur elle-même : les diplômés du supérieur sont assez nombreux pour vivre entre eux. Symétriquement, les gens restés calés au niveau de l’instruction primaire se sont aussi repliés. Ce processus de fragmentation sociale s’est généralisé au point de faire émerger un affrontement des élites et du peuple. La première occurrence de cet affrontement a eu lieu en France en 1992 lors du débat sur Maastricht. Les élites «savaient», et le peuple, lequel ne comprenait pas, avait voté «non». Ce phénomène de fracture éducative arrive à maturité. […]

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