De Goldorak à Goldorak

Du 2 juin au 2 octobre, Amiens accueille l’exposition De Goldorak à Goldorak consacrée à mon parcours. Un événement à ne surtout pas manquer si vous êtes fan du robot de l’espace ou de mon travail. Entrée libre.

Pourquoi « De Goldorak à Goldorak » ? En fait, en 1980, à l’âge de dix ans, j’ai écrit et dessiné ma première bande dessinée, Goldorak, une aventure de vingt pages à l’apparence évidemment très approximative. Quarante ans plus tard, en 2021, est paru l’album Goldorak écrit et dessiné avec les amis Xavier Dorison, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo. C’est donc les quatre décennies créatives entre ces deux Goldorak que raconte l’exposition.

Elle commence au rez-de-chaussée par un parcours chronologique. Partant des dessins d’enfance puis de jeunesse, elle présente des originaux de Cryozone et d’Universal War One, avant d’entrer dans mes années numériques.

Au second étage, l’exposition offre une plongée monumentale dans les images de notre Goldorak. Vous y découvrirez les étapes des planches, mais aussi une partie des objets que j’ai pu collectionner autour du robot géant.

 

C’est avec ce message et ces photos sur les réseaux sociaux que j’ai annoncé l’exposition : « Ce week-end, j’ai emballé ce que je prête à la Maison de la Maison de la Culture Amiens pour l’exposition consacrée à mon parcours (en partenariat avec les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens). À peine deux trois cartons, quelques planches et quelques bricoles de rien du tout… Mais je vous reparlerai bientôt plus longuement 🙂 »

Les photos du montage de l’exposition montre l’ampleur du projet sur deux étages de la Maison de la Culture d’Amiens. J’ai signé la scénographie et le commissariat d’exposition avec Marie-Luz Ceva. C’est une production de la Maison de la Culture d’Amiens dans le cadre des Rendez-vous de la Bande Dessinée d’Amiens 2022 en partenariat avec On a marché sur la bulle et les Éditions Kana.

Rendez-vous maintenant à Amiens pour découvrir tout cela en vrai et en grand. Très très grand !

Informations pratiques

Du 2 juin au 2 octobre 2022

Maison de la Culture d’Amiens,
2 place Léon Gontier

Horaires

Du mardi au vendredi :
13h-19h
Le samedi et le dimanche :
14h-19h (10h-19h au mois de juin)

Entrée libre

Vernissage le 2 juin à 18h30 en présence de l’auteur.

 

Des nouvelles d’Universal War

Ceci est un long texte, je ne sais pas si vous aurez le courage de le lire jusqu’au bout, mais j’essaye d’y faire un point honnête et complet sur le retard du tome 4 d‘Universal War Two comme sur ma situation d’auteur aujourd’hui.

J’ai découvert qu’une partie des libraires en ligne annonçaient la sortie du tome 4 d’Universal War Two pour le 20 novembre dernier. C’est, hélas pour mes lecteurs, totalement faux. Je n’ai aucune idée de comment cette date a pu être donnée et par qui. À aucun moment je n’ai dit à qui que ce soit que je pourrais livrer mon album cette année, j’ai même bien dit le contraire. Et, d’ailleurs, personne n’aurait pu le croire chez mon éditeur vu que je ne leur ai envoyé ni couverture, ni même une seule page terminée.

J’imagine que cette mise au point est des plus inquiétantes pour des lecteurs qui attendent depuis trop longtemps la suite d’Universal War. Qu’ils se rassurent, je travaille bien sur le tome 4 d’UW2. Je prévois même bien de finir cette série en 6 tomes, comme UW1 et comme c’est prévu dans le synopsis écrit il y a plus de 20 ans. Ce n’est pas parce que mon éditeur n’a rien vu que ce tome 4 n’est pas en cours de réalisation.

Pourquoi suis-je en retard ? Pourquoi est-ce si long ? Il y a de multiples raisons à cela.

Pour commencer, je l’ai souvent dit, je suis assez insatisfait de mon travail. La reconnaissance du public comme de la critique n’y change rien : j’ai une idée initiale de ce que devraient être mes livres mais, hélas, je n’arrive pas à la concrétiser aussi bien que je le voudrais. Année après année, mes exigences augmentant, cette insatisfaction ne va pas en s’arrangeant. J’ai donc tendance à refaire et refaire mon story-board. Cette étape chez moi est fondamentale, elle tient à la fois de l’écriture concrète des scènes et de crayonné des planches. Quand ça se passe bien, ça me prend entre 3 et 6 mois. Et derrière, je n’ai plus qu’à finaliser des planches déjà bien avancées. Mais quand ça se passe mal, que je refais sans cesse ce story-board, ce n’est pas la méthode la plus économe en énergie créative et en temps, bien au contraire…

Il s’avère qu’arrivé à ce tome 4, je dois aussi préparer des scènes des deux tomes suivants, afin d’être sûr que la trame écrite en 1997 fonctionne jusqu’au bout. Il y a une différence entre dire « il va se passer ça, ça et ça » et réussir à le faire dans 46 petites pages de Bande Dessinée. J’arrive en plus au moment des révélations : je vais présenter dans cette seconde moitié d’UW2 une nouvelle théorie physique, qui va donner un nouvel éclairage sur ce qui était donné comme évident depuis le début d’UW1. Dans ce tome 4, ces révélations s’entremêlent avec les réactions des personnages à la catastrophe et à la plongée dans l’inconnu qui vient de leur arriver dans les trois premiers tomes. Mélanger grand spectacle et touches subtiles qui permettent de mieux comprendre le caractère des personnages est un exercice d’équilibriste. Toute cette matière, ces enjeux, cette physique, ces personnages, ces civilisations, tout ceci est d’une complexité abyssale, surtout quand on veut rendre tout cela clair et évident à l’arrivée.

Malheureusement, alors qu’il m’aurait fallu le calme absolu pour mener ce travail, c’est tout le contraire depuis trop longtemps. La plupart d’entre vous ne l’ignorent pas, je me suis engagé beaucoup plus qu’auparavant dans la défense des auteurs. Depuis 2014, je suis débordé par le bénévolat que je fais pour les États généraux de la Bande Dessinée et la Ligue des auteurs professionnels. Certains mois, c’est un plein temps voire plus. Parce que la réforme des retraites ou de la Sécurité sociale n’attendront pas qu’on s’en occupe. Parce que la dégradation continue des rémunérations et des conditions de vies des autrices et des auteurs non plus.

Cela me coûte beaucoup en termes de temps, mais cela me coûte aussi beaucoup en termes d’énergie et de créativité. Imaginez : je passe une bonne partie de la semaine à lire des travaux sociologiques ou économiques qui montrent à quel point la situation des auteurs et des artistes se dégrade, je discute sans arrêt de cette réalité un peu effrayante pour l’avenir avec mes confrères et consœurs, je me retrouve sans arrêt à expliquer cela aux autres acteurs de notre milieu, aux ministères, aux politiques, aux journalistes, mais il faudrait que, juste après, je redevienne le joyeux Denis Bajram qui fait de la BD dans l’enthousiasme voire l’inconscience de tous ces enjeux ? Ce n’est pas possible. Tout cela est bien trop souvent démotivant. Je ne vais pas vous cacher que ça m’a cassé les mains pendant bien trop de semaines. Heureusement, je travaille parfois à ces moments-là sur un projet collectif avec des amis qui me permet de me nourrir de leur dynamisme et de leurs envies. Ça m’a fait beaucoup de bien à chaque fois. Je vous en reparlerai bientôt.

Certains, autour de moi, s’inquiètent gentiment de savoir comment je m’en sors financièrement. Si je peux m’engager autant, c’est que j’ai la chance de vivre bien de mes droits d’auteurs. Mais la plupart des auteurs n’arrivent pas à gagner même un SMIC en faisant de la Bande Dessinée. Plus de la moitié des autrices sont même sous le seuil de pauvreté ! On ne peut pas leur demander de travailler moins pour aller faire du bénévolat de longue durée dans les associations et syndicats d’auteurs. Dont acte : à un moment c’est aux veinards de ces métiers de donner de leur temps. Même si ça aura de grosses conséquences sur leurs revenus. Franchement, je préfère ne pas compter combien cela m’a coûté, mais c’est sans doute de l’ordre de la moitié de mes revenus d’avant…

Il y a une sorte de paradoxe dans cette situation : Aujourd’hui, vous qui avez fait le le succès de la série, vous, lecteurs qui attendez impatiemment la suite d’UW2, c’est vous qui m’avez offert des revenus suffisants qui font que j’ai pu m’engager si longtemps de manière bénévole au service des auteurs qui ont moins de chance que moi. En fait, c’est vous qui financez mon engagement social. En fait, c’est vous qui, à travers moi, défendez tous les auteurs.

J’espère sincèrement que vous comprenez l’importance de tout cela. Qu’attendre ce tome 4 trop longtemps vaut le coup. Je pense sincèrement que nous sommes quasiment arrivés à un point de non-retour. Si, rapidement, nous n’arrivons pas à protéger nos métiers, ce cycle se terminera en déprofessionnalisation massive. La Bande Dessinée en sortira irrémédiablement changée. Sans professionnels à plein temps, les albums au dessin très riche et long à faire deviendront inévitablement de plus en plus rares. Sans professionnels à plein temps, les séries à parution annuelle qui assuraient pourtant la rentabilité tranquille des maisons d’édition, ces séries se feront tout aussi rares. Et je ne suis pas sûr que les éditeurs et les libraires spécialisés s’y retrouvent très longtemps. C’est toute une économie qui va être touchée…

J’ai mis une bonne partie de mon énergie depuis cinq ans dans ce combat parce que je pense que c’est maintenant ou jamais. Mais je ne continuerai pas indéfiniment. Soit cette année nous aurons enfin vraiment avancé, en particulier avec le Ministère de la Culture, soit il faudra bien acter de l’échec et en tirer les conséquences.

Voilà, c’était un petit point sur mon travail et ma situation d’auteur. Croyez-moi, je n’ai qu’une envie aujourd’hui : écrire et dessiner, 24 heures sur 24. Et que les lecteurs d’UW2 se rassurent : j’ai mis tellement de moi dans Universal War, ce travail représente tellement dans ma vie qu’il est hors de question que je ne vous raconte pas rapidement la fin de cette incroyable histoire.