Lactalis, l’ogre du lait

Il y a quatre ans, je parlais de la prise de contrôle de Graindorge par le groupe Lactalis. Je m’inquiétais de l’impact que ça aurait sur le Camembert de Normandie. À juste titre, puisqu’à peine deux ans plus tard, cette AOP se retrouvait en effet grandement menacée par Lactalis et son allié Isigny-Sainte-Mère.

Il faut dire que cette multinationale bien française est régulièrement impliquée dans des scandales sanitaires, écologiques et sociaux1. Fraude sur le lait et les fromages, recyclage de produits périmés, entente sur les prix, lait infantile contaminé, refus de publication des comptes annuels, baisse unilatérale de la rémunération des producteurs et éjection de ceux qui osent dénoncer les pratiques du groupe.

Aujourd’hui, une grande enquête est publiée par DIsclose, site web d’investigation des plus sérieux, en partenariat avec Mediapart, Envoyé Spécial, France Culture, Brut, The Guardian et Le Poulpe. C’est un véritable film d’horreur. Il est vraiment temps que la justice force les portes de cette société et y fasse un grand ménage, au propre comme au figuré :

Personnellement, je boycotte autant que je peux cette entreprise. Mais ce n’est pas simple vu sa taille.

Lactalis, c’est l’ancienne fromagerie Besnier fondée à Laval en 1933, devenue en moins d’un siècle un des ogres de l’agro-alimentaire. C’est la plus grande entreprise de transformation de produits laitiers au monde après le groupe suisse Nestlé. Ce serait la première entreprise agro-alimentaire de France en chiffre d’affaire, devant Danone. Lactalis emploie environ 85 000 salariés dans plus de 250 sites industriels à travers le monde, pour un chiffre d’affaire annuel de 20 milliards d’euros.

Ses marques sont partout. Dans le camembert, c’est Président, Lanquetot, Lepetit, Graindorge et toutes leurs sous marques. Dans les autres fromages, c’est roquefort Société, Bridel, Bridélight, Rondelé, Chaussée aux moines, Primevère, Salakis, Istara, P’tit Basque, Lou Pérac, Corsica mais aussi Galbani, Santa Lucia… Dans le lait et le beurre, ce sont les marques Lactel, Président, Bridel, Puleva… Enfin, pour les bébés et enfants, ce sont les marques Celia, Picot, Taranis, Milumel…

Lactalis ne travaille pas toujours seul. Dans sa société conjointe avec Nestlé, Lactalis fabrique les yaourts et desserts La Laitière, Yoco, Flanby, Sveltesse, Viennois, B’A ainsi que des produits Lion, Kit Kat, Smarties… Lactalis possède aussi un quart de Bel, c’est à dire de La Vache qui rit, Sylphide, Babybel, Leerdamer, Boursin, Kiri…

On le voit, on se nourrit tous plus ou moins chez Lactalis, venant enrichir la famille Besnier qui possède la totalité du capital de la société, pour une fortune estimée à 12 millards d’euros. La transparence n’est déjà pas le fort du monde des affaires, mais en étant absente des marchés boursiers, Lactalis n’a de comptes à rendre qu’à la famille Besnier, au point même de refuser de publier ses comptes annuels au mépris de la loi.

Combien d’enquêtes effrayantes et de procès va-t-il falloir pour que Lactalis arrête toutes ses mauvaises pratiques ? Combien d’appels au boycott avant que la population fasse payer lourdement en magasin les trop nombreuses dérives de ce groupe ?

 

Notes

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