Je viens de lire en quelques jours trois bandes dessinées de science-fiction sur la fin de notre civilisation : Labyrinthus, Renaissance et Carbone & Silicium. Je me disais que j’allais en sortir déprimé, mais, non, au contraire, les trois résonnent parfaitement avec ce que nous vivons, et viennent nous nourrir de sentiments et d’images bien plus riches que les récriminations et peurs du moment.
Le tome 1 de Labyrinthus, des amis Christophe Bec et Fabrice Neaud, raconte une invasion venue de l’espace, mais c’est une invasion sans envahisseurs. Pluie de cendres toxiques et pandémie déciment l’humanité. J’imagine l’effet que ça doit faire aujourd’hui aux auteurs d’avoir imaginé il y a plus d’un an la population obligée de porter des masques 24 h sur 24. Christophe développe, comme il sait si bien le faire, un parfait scénario hollywoodien de genre. Le dessin de Fabrice, quant à lui, nous immerge parfaitement dans ce récit de science-fiction à grand spectacle. Ce premier tome se lit donc d’une traite, s’achevant aux portes du fameux labyrinthus. On ne demande qu’à y entrer ! Suite et fin en librairie le 21 octobre 2020.
Le tome 3 de Renaissance, des amis Fred Duval, Emem et Fred Blanchard, raconte, lui, aussi une invasion venue de l’espace. Mais cette fois-ci, c’est une invasion extra-terrestre « humanitaire », destinée à sauver l’humanité de la catastrophe écologique qu’elle a elle-même provoquée, et de toutes ses conséquence sociales, sanitaires, militaires…. Ce récit interroge, bien sûr, la question écologique comme la pandémie en cours, mais aussi et surtout la manière dont l’Occident a écrasé de tout son poids le reste de la planète. Ce tome 3 est la conclusion de Renaissance, mais j’avoue que j’en aurais bien lu plus, vu la richesse du monde présenté. Heureusement, la dernière page s’achève sur « fin de la première époque » qui annonce un second cycle.
Carbone & Silicium de l’ami Mathieu Bablet est sans doute une des nouveautés les plus attendue de l’année après le succès de son précédent livre, Shangri-la. Mathieu relève le gant brillamment. Cette fois encore, ce n’est pas un livre facile à résumer. Le récit suit sur près de trois siècles la vie de deux robots, de deux intelligences artificielles. Cette grande histoire d’amour (comment appeler ça autrement) a pour toile de fond la catastrophe écologique et la chute de notre civilisation. Encore une fois, Mathieu sait mêler de très belles images et des sentiments très riches sur ce que sont nos vies, en particulier la question de l’individualisme. Comme Shangri-la, Carbone & Silicium interroge aussi la temporalité. En effet, on pense souvent, dans le catastrophisme actuel, que la civilisation tombera en quelques jours, que la fin du monde sera rapide. Mathieu nous montre qu’elle pourrait tout autant être lente, très lente, complexe, mouvante, parfois très belle, voire être plus un changement qu’une fin… À lire absolument.
Belle rentrée S.F. en bande dessinée, donc ! Ce sera un vrai plaisir d’y voir paraître notre Inhumain le 2 octobre. Un récit qui, s’il ne parle pas lui de fin de civilisation, interroge aussi les limites de notre humanité.