Le mot « professionnel » fait toujours peur

Ce matin, je lis une tribune qui s’en prend au rapport Bruno Racine et à la Ligue des auteurs professionnels sous la plume du président de la SGDL. Voilà qui s’ajoute aux récents propos peu confraternels du SNAC. On comprend mieux les tensions qui ont poussé la Ligue à quitter le CPE.

Aujourd’hui, l’attaque porte sur la notion même de « professionnel ». Clairement, un gros mot.

Rappelons-le : la Ligue se bat pour que le plus d’artistes-auteurs possible aient accès à un solide statut professionnel. Étonnement, ce mot de « professionnel », certains nous le reprochent sans arrêt, depuis le début, comme s’il était excluant, comme s’ils avaient peur de ne pas en faire partie, de se retrouver classer dans une catégorie « amateur ». Rappelons bien de quoi nous parlons : de protection sociale, pas d’autre chose ! Pas de savoir qui fait bien ou mal ses livres ! Notre principal sujet est de mieux protéger les auteurs et autrices qui n’ont pas d’autres moyen d’avoir une protection sociale par ailleurs, parce qu’ils n’ont pas d’autre métier en fait. C’est exactement ce que nous disons dans le document que nous avons remis à la mission Bruno Racine, en proposant de mettre en place un « statut à points » qui permette, en multipliant les critères autres que les revenus, de rattraper le maximum de gens, bien en dessous des seuils actuels, et dans des pratiques bien plus ouvertes, dont l’auto-édition.

Bref, depuis des semaines, c’est l’attaque en règle contre la Ligue des auteurs professionnels, quitte à raconter n’importe quoi, quitte à tordre le bras à la réalité ou à nos propos. À les lire, on a l’impression qu’ils paniquent à l’idée qu’on change le statut des artistes-auteurs. Comme s’ils pensaient que la situation actuelle n’était pas si mal, qu’il n’y avait pas de gros problèmes, qu’il n’y avait pas d’urgence, qu’il n’y avait pas de crises grave pour les artistes-auteurs. De fait, si on évacue les immenses difficultés que rencontrent les auteurs et autrices professionnels aujourd’hui, en effet, la situation ne va pas si mal, on continue à publier des livres et ils continuent à être lus. Bref, en effet, continuons à laisser disparaître tous les professionnels, comme ça il n’y aura plus de problème.

La panique de tous ces gens est multipliée par le fait que, si les choses changent, en plus ce n’est pas du tout de leur fait. Car, oui, en un peu plus d’an d’existence, c’est la Ligue des auteurs professionnels qui a énormément fait bouger les choses. Elle est à la base de toute la séquence qui a amené au rapport Bruno Racine. Elle a longuement travaillé pour apporter une très riche contribution, là où ceux qui pleurent aujourd’hui ont fait les choses, disons, avec beaucoup moins de conviction. Notre faute est donc d’avoir osé faire bouger les choses et d’avoir travaillé pour cela ! Et trop vite, apparemment ! En effet, on nous reproche d’imposer un rythme fou, impossible à suivre. Sacrée Ligue, qui irait trop vite alors qu’elle n’est composée que d’auteurs et autrices bénévoles. Surtout, comment peut-on nous dire que nous allons trop vite ? Comment, ça, il n’y aurait pas d’urgence ? Bref, continuons à laisser disparaître tous les professionnels, comme ça il n’y aura plus d’urgence du tout.

On reproche enfin à la Ligue d’être récente, d’être bien jeune. C’est oublier qu’elle a en partie était fondée par des organisations plus anciennes, dont la Charte et ses 45 ans d’existence. C’est oublier, aussi que ces fondateurs sont des auteurs et autrices bénévoles engagés pour certains depuis 20 ans dans la défense et la représentation de leurs collègues. C’est surtout très maladroit : la Ligue a le bon goût, elle, de ne pas traiter les autres de vieillard ou d’impotent…

Tous ces gens ont fait leur possible pour que le rapport Bruno Racine soit enterré, ou ait le moins de conséquences possibles. Tous ces gens sont en particulier opposés à la création d’élections professionnelles. C’est pour ça qu’il faut s’en prendre à la notion de professionnel. Mais, et surtout, il ne faudrait surtout pas que les artistes auteurs puissent dire qui parlera en leur nom demain pour la gestion de leur statut social. À la Ligue, depuis le début, nous sommes pour cette démocratie professionnelle. Parce qu’il n’y a que les créateurs et créatrices pour savoir qui défend vraiment leurs intérêts réels, qui se bat pour régler leurs problèmes de tous les jours, qui leur offre un avenir. Bref, qui ne fait pas comme s’il n’y avait pas de graves problèmes, de vraies urgences, qui refuse que disparaissent tous les professionnels.

Pour finir, je tiens à remercier tous ceux qui veulent que rien ne change pour une chose : vos attaques sont tellement maladroites que vous êtes en train de faire une formidable publicité à la Ligue. Grâce à vous, les auteurs et autrices commencent à bien mieux voir qui est pour que rien ne change et qui est pour que notre statut se renforce enfin sérieusement !

Bref, auteurs, autrices, laissez tomber ceux qui vous disent que « professionnel » est un gros mot. Si vous voulez rester professionnel, ou le devenir, ou les soutenir, adhérez à la Ligue des auteurs professionnels !