L’année de la BD… pas celle de ses auteurs

L’année de la BD sans les auteurs de BD, ce serait cocasse, non ?

Je suis assez remonté, je ne vais pas vous le cacher. Avant de vous expliquer pourquoi, il est nécessaire de faire un petit rappel historique, très incomplet, mais très significatif (vous pouvez cliquer sur les dates pour en savoir plus) :

  • Juin 2014 : annonce d’une violente hausse des cotisations de notre retraite complémentaire (le RAAP). Mobilisation des auteurs de BD.
  • Octobre 2014 : débrayage et grande assemblée générale organisée à St-Malo par le Groupement des Auteurs de Bande dessinée (SNAC)
  • Octobre 2014 : annonce à l’AG de St-Malo de la création des États Généraux de la Bande Dessinée (EGBD)
  • Janvier 2015 : grande manifestation des auteurs pendant le festival d’Angoulême, organisée par le SNAC
  • Janvier 2015 : première session des EGBD pendant le même festival d’Angoulême
  • Janvier 2016 : remise de l’enquête auteurs des EGBD : 1500 réponses, et confirmation de la précarisation des auteurs : la moitié des professionnels sont sous le SMIC !
  • Septembre 2016 : premières rencontres nationales de la bande dessinée à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image : « La bande dessinée au tournant »
  • Janvier 2017 : convention de partenariat triennale entre la CIté et les EGBD. Le directeur de la cité, Pierre Lungheretti, s’empare du sujet.
  • Septembre 2017 : les auteurs de BD s’aperçoivent que la hausse de la CSG n’est pas compensée pour les artistes-auteurs ! Je rencontre Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, à ce sujet. Promesses.
  • Janvier 2018 : la ministre confie à Pierre Lungheretti une mission de réflexion sur la politique nationale en faveur de la bande dessinée. Enfin !
  • Fin 2018 : les organisations d’auteurs découvrent que la réforme universelle des retraites pourrait tourner au cauchemar pour les auteurs au moment où une mesure “de soutien” bricolée vient enfin compenser la hausse de la CSG…
  • Janvier 2019 : remise du rapport Lungheretti. Beaucoup de propositions. Le nouveau ministre de la Culture, Franck Riester, décide d’en adopter de suite une : 2020 est déclarée année de la BD. Super, on avance !
Franck Riester, Ministre de la Culture, Pierre Lungheretti, directeur général de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême, et votre serviteur, présent en tant que vice-président de la Ligue des auteurs professionnels, coordinateur général des États Généraux de la Bande Dessinée et pilote au SNAC BD.

Résumé : l’année de la BD n’existe donc que parce que les auteurs se sont mobilisés contre la dégradation de leurs rémunérations et la hausse conjointe de leurs cotisations sociales et qu’ils ont enfin réussi à faire entendre qu’il y a un vrai danger pour l’avenir de la BD au Ministère de la Culture.

Alors comment est-il possible que le pilotage de l’année de la BD fasse comme si les auteurs et leur condition sociale et économique n’était même pas un sujet ? Malgré les recommandations très claires que les EGBD et le SNAC BD ont fait au groupe de travail ? Alors que ça devrait être au centre des préoccupations ?

Le Centre national du livre – rencontres, lectures, actualités mais aussi le Syndicat National de l’Édition pensent-il vraiment que les auteurs vont regarder en souriant le petit business de la BD s’autocongratuler sur la santé de la BD pendant un an ? Que les auteurs vont avoir à cœur de venir encore une fois faire de la promotion gratuitement ? Comme si de rien n’était ?

Franchement, moi qui suis sur le pont à défendre les auteurs jour après jour depuis toutes ces longues années, j’hallucine totalement ! Comment peut-on afficher un tel mépris pour les auteurs et leurs difficultés ? Et si ce n’est pas du mépris, qu’est-ce que c’est ? Va-t-on finalement nous dire qu’on a manqué d’attention ? Qu’on a juste, c’est ballot, oublié comment on en était arrivé à cette année de la BD ?