Toute vérité est bonne à cacher

Les fausses informations inondent de plus en plus Internet, en particulier via d’innombrables comptes et sites générés par IA, mais aussi parce que l’administration Trump a sommé les géants de la tech d’invisibiliser le « Fact-checking », les alertes liées à la vérification des faits. C’est évidemment Elon Musk qui avait ouvert le bal après son rachat de Twitter, c’est ensuite Meta qui avait cessé de collaborer avec les fact-checkers.

Cet été, c’est Google, le géant de la recherche Internet, qui s’est soumis à la nouvelle norme. En effet, depuis début juillet, la section « fact-checking » a disparu de la page d’accueil de Google News. Les encadrés spécifiques ont aussi disparu des résultats de recherche.On ne le sait pas, mais ces articles étaient spécifiquement identifiés par leurs auteurs auprès d’une base de données, Claim Review, développée par le centre de recherche sur le journalisme Duke Reporters’Lab, Google, Bing et Jigsaw. Cette base de données alimentait aussi Facebook avant que Meta ne cède à la pression trumpiste.

Au-delà de compliquer l’accès aux articles des fact-checkers, la fin de la mise en avant du fact-checking c’est aussi la fin d’une sorte de rappel permanent à la prudence. Et pourtant, il n’a jamais été aussi important de tourner sa vérité sept fois dans sa bouche avant de poster.

Pour conclure, je me montre toujours très prudent avec l’idée même de « Vérité ». Derrière ce mot se cache, le plus souvent, non pas un absolu, mais une manière un peu simpliste de comprendre la réalité. Pire, la « Vérité » est pour beaucoup le sens qui serait caché derrière la réalité (la fameuse métaphysique), hélas, souvent aux dépens de la réalité elle-même. J’essaye donc de ne jamais oublier que cette réalité est extrêmement complexe, et qu’elle ne peut être appréhendée en quelques mots ou idées. Si une vérité est simple, elle est probablement bien loin de la réalité.

Le fact-checking a donc évidemment ses limites, et les journalistes qui cherchent, très sérieusement, à vérifier les faits, ne sont évidemment pas à l’abri de commettre des erreurs ou d’avoir des biais cognitifs, en particulier idéologiques. Le fact-checking ne rétablit donc pas la Vérité avec un grand V, il est censé juste revenir à ce qu’on sait le plus strictement de la réalité à un instant T.

Ce n’est pas ce que veulent Trump et ses alliés. Aujourd’hui, en s’en prenant au fact-checking, ils ont au contraire pour but de laisser se répandre leurs « vérités alternatives », souvent des divagations imbéciles, mais aussi des mensonges assumés. Leur but est, en noyant la réalité sous leurs « vérités alternatives », de changer la réalité elle-même. La Terre n’en sortira pas plus plate, évidemment, mais les sociétés en sortiront, elles, bien plus haineuses et stupides. Bref, bien plus manipulables par eux.

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