Ces derniers temps, je ne peux plus rien poster sur Facebook sans que des lecteurs viennent faire des commentaires plus ou moins perfides sur la suite très attendue (trop, j’en suis conscient) d’Universal War Two. J’ai déjà longuement parlé de mes errances créatives. Si certains, emportés par leur passion pour mon travail, croient que je suis une sorte de génie créatif, c’est bien mal me comprendre. En effet, je n’aurais pas écrit un récit aussi angoissant si je n’étais pas moi-même TRÈS angoissé par ce qui se passe sur notre petite planète, et ce depuis mon enfance dans les années 80. C’est ma force, j’ai beaucoup de raisonnements et d’émotions à faire passer sur le sujet, c’est ma faiblesse : ce travail artistique ne me fait pas toujours du bien. J’ai déjà raconté qu’après le 11 septembre 2001, j’avais failli arrêter la BD, me demandant à quoi jouait mon travail au milieu de tout ça, mais aussi en comprenant bien quelles allaient être les conséquences désastreuses sur le monde entier de ce moment, en comprenant bien à quel point cela allait participer à l’accélération de notre course vers l’autodestruction. En voyant aujourd’hui des milliardaires aux idéologies délirantes se battre pour transformer la conquête spatiale en business privé, vous imaginez bien à quel point j’ai l’impression de voir s’accomplir une des pires prédictions d’UW1. Bref, je suis un aimant à angoisse sociétale, c’est ma force comme auteur, c’est ma faiblesse comme homme.
Que pensez-vous que provoquent sur moi les messages de plus en plus insistants, culpabilisants, voire violents, que je reçois pour faire paraître la suite d’Universal War Two ? Croyez-vous vraiment que cela va m’aider à être dans l’état d’apaisement relatif dont j’ai besoin pour finir le story-board des trois derniers tomes d’UW2 ? Croyez-vous que ça va me faire gagner du temps ? Croyez-vous que ça va me convaincre que ça vaut le coup que je me torture pour ce genre de lecteurs ?
Et quelle est la prochaine étape ? Vous avez déjà pollué mon mur, les sites Internet un peu partout, y compris au sujet des livres que je réalise avec d’autres co-auteurs qui se retrouvent ainsi punis collectivement pour mon seul retard ? Qu’envisagez-vous maintenant ? Des lettres de menaces ? Est-ce que je dois redouter qu’on taggue les murs de ma maison avec des « Libérez Kalish ! » ? Qu’un excité plus énervé que les autres vienne m’agresser physiquement ? Parce que, oui, je finis par me demander si tout cela ne va pas arriver…
Avoir réussi à passionner mes lecteurs à ce point me fait à la fois plaisir et à la fois très peur. Mais, soyez-en sûrs, me harceler ne fait qu’alimenter mes angoisses. Si vous souhaitez voir paraître rapidement le tome 4 d’UW2, c’est la pire des choses à faire.
Voilà, c’est dit. Pour ma tranquillité mentale, j’effacerai à partir de maintenant tous les messages déplacés concernant UW2, et je bloquerai leurs auteurs. S’ils doivent en déduire de ne plus lire mon travail, tant pis, ou tant mieux, je ne sais plus…
Pour tous les autres lecteurs et lectrices qui ont la gentillesse de se montrer très très très patients, je leur donnerai des nouvelles de l’avancement de la suite d’Universal War Two dès que je commencerai à être un peu plus sûr des délais. Pour que ça avance, j’ai quitté tous mes mandats syndicaux, ne m’occupant plus que des EGBD, et j’ai déblayé tout ce que je pouvais pour être le plus possible sur UW2. Reste à espérer que j’en ai la force et surtout que mes angoisses sur mon métier, sur la BD en général, sur mon pays, sur ma planète restent contrôlables. Et je ne parle même pas de l’angoisse de ne pas être à la hauteur de cette longue attente, croyez-moi ce n’est pas rien. Mais j’ai bon espoir pour ces trois derniers tomes, que je travaille d’un bloc. En tout cas je m’amuse bien pour l’instant. Promis, je vous tiens au courant de l’avancement dès que je pourrai. Et, surtout, merci à tous et toutes pour votre patience et votre soutien.