Arte, je ne vous remercie pas, car hier vous m’avez fait décrocher de mon travail. En effet, pour accompagner mes 90 heures de dessin hebdomadaires, nous mettons parfois en fond à l’atelier des films que nous connaissons par cœur ou des replays de programmes TV. Hier soir, c’était le cycle des neuf symphonies de Beethoven que la chaîne avait proposé en direct toute la journée de dimanche qui était au programme.
Si j’ai été assez déçu par la prestation française à Strasbourg sur la 8e symphonie, convaincu par la 9e à Vienne, j’ai été totalement ébloui par la 7e proposée par la Grèce. Le cadre de ce concert est déjà une merveille à lui tout seul : le sanctuaire antique de Delphes1. C’est un lieu où coule la mythologie, l’art et la magie, comme j’ai eu la chance de le vérifier sur place il y a des années. C’est dans le théâtre antique, surplombant le sanctuaire et la vallée que l’orchestre s’est installé. C’est une petite formation, resserrée. Le son est net, clair, claquant, presque baroque. Les musiciens jouent debout, répondants aux danseurs contemporains dans le site. Les drones tournent autour de la scène. Tout est magie chorégraphiée alors que le soleil se couche lentement sur les montagnes. Extraordinaire ! Καλὸς κἀγαθός !
Si vous ne devez voir qu’un extrait de ce concert, je vous recommande le second mouvement, le célèbre allegretto, qui commence à partir de 18 mn 30. Celui-là même qu’on entend dans le film Zardoz qu’Arte diffusait il y a quelques jours, justement…
Arte, en fait, je vous remercie.
Notes
1J’ai eu la chance de profiter quasiment seul du site archéologique de Delphes pendant mes études de scénographie aux Arts déco de Paris dans les années 90, et ce grâce à l’entremise de l’école Française d’Athènes. J’ai connu à Delphes une véritable extase, traversé à la fois par la culture grecque classique que j’ai eu le plaisir de traduire adolescent et par la géographie extraordinaire de toute cette vallée. Assis dans le théâtre antique et méditant les mots de Nietzsche et de tant d’autres sur les origines de nos arts, je me souviens avoir pleuré longuement de bonheur. À Delphes se trouve l’omphalos marquant le centre du monde, et ce jour-là c’était bien le cas pour moi.