Si les artistes ne prennent plus de risques, qui s’en chargera ?

Le Vif (l’Express belge), m’a interrogé, avec d’autres, sur les attaques contre la culture en Belgique. Ayant habité Bruxelles longtemps, pensant que tout cela va au delà des frontières du plat pays, et étant très impliqué dans la défense de la Bande Dessinée, j’ai répondu avec plaisir. My two cents.

Denis Bajram : Si les artistes ne prennent plus de risques, qui s’en chargera ?

À la réduction des subventions, au délestage de la culture à la RTBF et à la précarisation du statut des artistes s’ajoute un climat délétère aux relents populistes qui tente de faire passer l’art pour une lubie d’aristos. Qu’en pensent les principaux intéressés? La parole à Denis Bajram, scénariste et dessinateur.
Année faste pour l’auteur de Universal War Two, avec un nouveau volume de sa saga SF et épique chez Casterman, mais aussi la mise sur pied et la coordination des États Généraux de la Bande Dessinée, une large association d’auteurs pour défendre un métier en danger.
Coupes budgétaires, précarisation du statut des artistes, réduction à la portion congrue de la culture sur la RTBF, censures… La culture est-elle en danger ?

Vu depuis la France, la disparition d’une émission comme 50 degrés Nord, qui proposait quotidiennement un regard amical mais précis sur tous les arts et toutes les littératures, est un signe assez inquiétant. La Belgique était une vraie terre d’accueil pour toutes les cultures. Cette richesse semble menacée. Quid du rayonnement international que ses artistes et ses acteurs culturels apportaient au pays ?

Pourquoi est-elle mal-aimée ou à tout le moins déconsidérée de nos jours ?

Est-ce le cas? Cela dépend de ce qu’on met sous le mot culture. Les gens passent des heures à regarder des séries télé, à écouter de la musique et à lire des BD. Une bonne partie de la population a même des pratiques créatives, fait de la musique, de la peinture ou écrit. A tel point qu’énormément de jeunes se dirigent vers des carrières artistiques, et que certaines professions sont même totalement en saturation: trop de créateurs, trop d’oeuvres et une visibilité pour chacun qui devient très difficile. Peut-on parler de “culture mal-aimée” alors qu’elle est souvent victime de son succès? En parallèle, il y a le problème des cultures plus élitistes, classiques ou avant-gardistes: du fait qu’elles sont souvent complexes et difficiles d’accès, leur existence reposait sur un système de subventions. Un modèle qui résiste évidemment mal à une crise financière et à la démagogie politique…

A qui la faute? Aux parents? Aux politiques? A l’école? A Internet ?

A tout le monde. On vit dans le triomphe du plaisir égoïste: consommation et autopromotion du moi. La culture la plus pointue ne sert ni l’un ni l’autre. Elle n’a de sens qu’à long terme. Mais quelqu’un s’intéresse-t-il encore au long terme ?

C’était mieux avant ?

Je ne suis pas sûr. Je me souviens quand j’étais jeune, dans les années 80, les produits culturels étaient bien plus rares. On était en pénurie. Aujourd’hui, nos tables de nuit et nos ordinateurs débordent de livres non lus, de films à voir et de séries TV en retard… Ceci dit, cette facilité d’accès à la culture, surtout à la culture populaire, ne saturerait-elle pas notre temps et finalement ne nous rendrait-elle pas plus paresseux et moins curieux ?

Si les artistes ne prennent plus de risques, qui s’en chargera ?

Quels arguments utiliseriez-vous pour convaincre les réticents que la culture doit être une priorité ?

Un des principaux rôles du créateur est de permettre à la société de prendre de la distance vis-à-vis d’elle-même: se représenter à elle-même, s’observer en changeant de point de vue. Ainsi, la culture est censée nous sortir la tête du guidon, et nous éviter de foncer dans le mur… Laisser la culture ne plus obéir qu’à un système totalement marchand, c’est très dangereux. Si les artistes ne prennent plus de risques, qui se chargera de tenir leur rôle? Qui dira: “Nous allons droit dans le mur” ?

Comment redonner le goût de la culture ?

Est-ce aux artistes à réfléchir à ça? Avec le danger de ne penser plus qu’en termes de public à conquérir au lieu de dire ce qu’ils doivent dire, au mépris de tous les risques?

Les révolutions technologiques ont de tout temps bouleversé les pratiques culturelles. N’est-ce pas un combat d’arrière-garde que de s’accrocher à une vision “classique”, immuable de la culture ?

La culture classique s’enfonce dans l’Histoire, c’est normal. Qui peut savourer Cicéron dans le texte aujourd’hui? Une nouvelle culture se dessine -très bien. Le problème n’est pas ce renouvellement: le problème est que les enjeux deviennent principalement économiques. Si les sociétés ne sont pas prêtes à financer leurs artistes, alors elles n’auront que des artistes marchands, ainsi que quelques riches qui s’amusent en créant et quelques fous inconscients et très pauvres. C’est déjà (ou encore) comme ça que fonctionne le système culturel américain, dans le plus pur libéralisme économique. C’est un vrai choix de société: si vous trouvez normal que l’Etat se retire de la culture, c’est que vous avez déjà décidé que notre modèle social européen est mort.

Et la bande dessinée dans tout ça ? On sait que la situation des auteurs est devenue particulièrement difficile, et qu’en France une certaine réaction collective est en train de se mettre en place. Qu’en espérez-vous, et à quoi faut-il s’attendre pour 2015 ?

La BD est victime de son succès: plein de lecteurs, plein de créateurs -tellement, en fait, qu’il y a trop d’albums publiés par an. Quand j’ai commencé dans les années 90, il y avait 700 sorties, aujourd’hui, on en est à 5000! Cette surabondance est signe d’une extraordinaire vitalité créatrice. Mais elle a une terrible conséquence: le chiffre d’affaires global n’ayant pas augmenté autant que les sorties, chaque album se vend moins bien en moyenne. Les revenus de la plupart des auteurs se sont dégradés année après année. On est arrivés à un niveau de précarisation inquiétant. C’est pour cette raison que quelques auteurs épargnés par cette crise ont proposé à l’ensemble de la profession d’organiser des États Généraux de la Bande Dessinée, pour faire un bilan économique et sociologique de la situation, donner la parole à tous, et essayer de trouver des solutions pour l’avenir. Première session en janvier 2015 pendant le festival d’Angoulême.

focus.levif.be

Télérama : la BD traverse une grave crise

Télérama parle de la situation des auteurs de BD. Ceci dit, je préférais presque le titre “Pour 1000 bulles t’as plus rien” de la version papier. Là ça fait carrément peur…

Grève des dédicaces : la BD traverse une grave crise

En vingt ans, la publication d’albums a décuplé… mais pas le lectorat. Le secteur de la bande dessinée est confronté au phénomène de surproduction, et les créateurs crient famine.

A 17h15 tapantes, ils ont remballé leurs gommes et leurs crayons. Dix minutes plus tard, la plupart des stands de Quai des bulles, le festival BD de Saint-Malo, étaient déserts. Le 11 octobre dernier, de nombreux auteurs de bande dessinée ont fait, deux heures durant, la grève des dédicaces. Une grande première dans le monde merveilleux des bulles et des « petits miquets ».

Pourquoi ? Parce que leur caisse de retraite a décidé d’augmenter considérablement leur ­cotisation annuelle. Pour bénéficier d’une retraite complémentaire – bien ­hypothétique –, les auteurs sont censés, à partir de 2016, verser 8 % de leurs revenus annuels (soit un mois d’émoluments). Or la moitié des 1 500 scénaristes et dessinateurs de BD français gagnent moins que le smic ! Si cette réforme a depuis été différée, la menace demeure, fragilisant encore davantage un secteur qui n’avait pas besoin de ça. […]

Portrait dans Libération

Heroïque fantaisie ?

Qui aurait pu croire, lorsque j’ai commencé à faire de la bande dessinée de science-fiction, plutôt grand public, qu’on me consacrerait un jour le fameux portrait de dernière page de Libération ? Et pourtant, en ce 8 janvier 2014…

Merci à Quentin Girard et à Manuel Braun pour ce portrait très différent. Plus sombre, plus dur, trop dur même pour certains. Mais pourtant… si j’essaye toujours d’être avenant et sympathique, j’ai, croyez-moi, un sacré côté obscur : on n’écrit pas Universal War en étant tous les jours un joyeux bisounours.

Rédacteur-en-chef du Huffpost !

En direct du futur

J’ai eu le plaisir et l’honneur de me glisser dans la peau du rédacteur en chef du fameux Huffington Post pour imaginer quelles pourraient être les “unes” du 10 octobre 2098, le jour de la destruction de la Terre dans UW1, et du 11 octobre 2141, au début d’UW2.

Bonne lecture de la presse du futur, et merci à Alexandre Phalippou et à la rédaction du HuffPost qui ont rendu tout cela possible !

Preview d’UW2 et d’Abymes

Le n°56 du journal Casemate consacre son dossier central à Universal War Two à paraître en septembre 2013. Longue interview de votre serviteur, premiers dessins et surtout trois planches du tome 1. C’est donc vrai qu’UW2 arrive :-).

Cette exclusivité est complétée d’une seconde : deux pages du tome 3 d’Abymes pour la prestigieuse collection Aire Libre. C’est celui que j’ai dessiné, et que Valérie Mangin et moi avons scénarisé ensemble. Elle est la femme de ma vie, la scénariste de toute la série, le sujet de ce tome 3 après Balzac et Clouzot. Valérie est interviewée sur tout cela par le toujours excellent Jean-Pierre Fuéri.

Vous pouvez vous procurer Casemate dans votre point presse habituel, ou sur son site.

Couverture Zombie

Lorsque Olivier Thierry, le boss du magazine Zoo, m’a contacté pour faire la couverte du n°16, je n’ai pas hésité un seul instant. Déjà parce que nous avons connu les bancs du même fanzine, Scarce (dont il s’occupe toujours en parallèle), parce que Zoo, « le premier magazine Culturel BD gratuit » est bien ce qu’il annonce, et que cela fait des mois que j’ai plaisir à le lire. Et parce que les zombies, ça reste ma chasse gardée depuis Cryozone 🙂

Bref, Zoo est en librairie, et est gratuit : dépêchez-vous d’attraper le vôtre. Et pour les plus paresseux, ils peuvent le télécharger ci-dessous.

Interview BoDoï

Vous êtes nombreux à vous poser des questions sur ce fameux Quadrant Solaire dont je vous parle depuis quelques semaines.

Alors si vous voulez vraiment tout savoir tout de suite, regardez l’interview donnée par Denis au magazine Bo Doï. Elle doit paraître début mai dans le numéro 96.

Vous y trouverez des informations exclusives et tout ce que je n’ai pas encore le droit de vous révéler.

Je sais, c’est trop injuste !

Valérie Mangin