Hubert Mounier

Extrait de La Maison de pain d’épice

Hubert Mounier, alias Cleet Boris, leader et chanteur de l’Affaire Louis Trio, un des plus brillants musiciens de la scène pop/rock française, est décédé soudainement aujourd’hui. Je l’avais vu en concert la première fois quelques mois après mon bac et j’avais eu depuis la chance de le revoir aussi comme auteur de BD. J’avais toujours plaisir à le croiser sur Facebook. Mes pensées vont à ses proches et à tous ses autres fans. Et je m’en vais réécouter encore une fois ses albums dans « ma cabane en rondins cachée au fond des bois où on goûte la joie de vivre doucement… »

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Les portes du panthéon

Croquis extrait de Desk.

Je découvre avec dépit qu’une sacrée petite cabale s’est mise en place contre le fait que Claire Wendling soit dans les trois derniers auteurs en lice pour le grand prix d’Angoulême. Au delà d’un éventuel mépris pour les auteurs “non complets”, des éventuels arguments (hors sujet) sur le nombre de livres ou l’activité récente, d’une éventuelle haine de la BD grand public, ou d’un éventuel sexisme (direct ou indirect), on peut lire une simple incompréhension sur l’arrivée de Claire aux portes du panthéon.

Ce résultat n’étonne pourtant pas la grande majorité des auteurs, qui savent bien, eux, la fascination que son dessin a exercé et exerce encore sur de très nombreux dessinateurs de BD, illustrateurs, animateurs et concept artists en France et dans le monde entier. J’ajouterai que l’Art de la Bande Dessinée étant hybride, on doit s’intéresser à son tout, à des auteurs très complets comme Hermann, mais aussi à ses parties. J’ai personnellement voté pour Alan Moore, parce que c’est un des génies qui a changé ma vie mais aussi pour mettre enfin un scénariste en avant. Mettre un dessinateur majeur en avant a tout autant de sens, et je le ferai avec plaisir une prochaine fois.

Bon courage Claire, avec toute mon affection et mon admiration !

Pierre Ouin

Photo BDZMag

Souvenirs. Au début des années 90, à peine majeur, maigre comme un clou et fringué comme un punk à chien, je dédicaçais le fanzine Scarce dans tous les festivals de BD de France. On était dans une ère dorée pour les revues amateur et semi-pro. Ça partait dans tous les sens, et j’y ai fait plus d’une rencontre inoubliable. J’étais particulièrement impressionné par le professionnalisme du très punk “Flag” qui rassemblait, entre autres, Benito, Géant vert, Pic & Zou, Shelton, Stéphane Blanquet ou encore l’ami Cromwell.

Et Pierre Ouin.

Ayerdhal

Yal Ayerdhal nous a quittés. Je n’ai pas du tout envie de me lancer dans un panégyrique de l’auteur de SF ou de l’homme, il n’aurait pas apprécié qu’on en fasse des tonnes, je pense. Mais je tiens juste à dire que c’est un des auteurs les plus attentifs au monde et aux autres que je connaissais. Yal, tu vas beaucoup nous manquer.

Avec toute mon affection et celle de Valérie à sa compagne, Sara Doke.

Adrian Frutiger

Un très grand créateur est mort hier, Adrian Frutiger. Ce vieux monsieur suisse était l’auteur de polices typographiques majeures. Vous connaissez tous son travail, vu qu’il a envahi notre quotidien depuis la fin des années 50. En particulier avec l’Univers qui l’a rendu célèbre dès l’époque, avec la Frutiger dérivée de celle qu’il créa pour les aéroports de Paris dans les années 60 et avec son travail pour le Métro parisien dans les années 70…

Je n’ai jamais eu l’honneur de le croiser, il avait été professeur aux Arts Déco de Paris bien avant que j’y sois étudiant. Mais il fait partie des grandes figures qui ont illuminé ma découverte de la typographie au début des années 90 auprès des professeurs suisses qui lui avaient succédé. Que dire d’autre, à part que j’utilise ses polices de caractères avec le même bonheur jour après jour depuis tout ce temps ? Un grand merci, monsieur Frutiger !

Un travail de moine

Yves Rodier, auteur de BD, jette éponge dans un long message d’adieu. Je pense qu’il y résume très bien l’état d’esprit de tous les auteurs qui veulent encore aujourd’hui faire de la bande dessinée de manière perfectionniste, dans le sillage d’Hergé ou de Jacobs. Cette pratique de la BD est un travail de moine solitaire. Elle nous enferme dans une cellule monastique. Elle réclame des vœux de pauvreté, de discipline et parfois de chasteté. Elle réclame un engagement, une vocation totale. Et elle réclame une véritable éternité de temps de travail… Tout ceci est totalement contraire au monde d’aujourd’hui, qui consomme, voire dévore tout à grande vitesse. Les deux conceptions sont même quasiment inconciliables, et je suis étonné du nombre d’auteurs qui résistent encore…

En tout cas, bon courage à lui, se résoudre à rompre ses vœux en Bande Dessinée doit être un moment très dur. J’espère que sa nouvelle vie le récompensera de ce choix difficile.

Ce n’est pas de gaieté de coeur que j’écris ce message. Après une longue période de réflexion de quelques années, étant donné l’état actuel de l’industrie de la BD, de la façon dont les maisons d’édition traitent leurs auteurs comme du bétail selon combien ils leur rapportent, et d’une lassitude et d’un désintérêt de ma part vis-à-vis mon travail, j’ai décidé d’abandonner la bande-dessinée.

Ce ne sera pas une grande nouvelle pour ceux qui me connaissent personnellement. Ils savent que parler de mon travail, et de la BD en général, ne m’intéresse pas. Mes champs d’intérêt sont ailleurs depuis longtemps. Je ne lis plus de BD, je ne m’intéresse plus au milieu de la BD. Je trouve que le détournement élitiste qu’on a fait de cet art, qui était à l’origine destiné à un public jeune, populaire, sans prétention intellectuelle, est très éloigné de mes aspirations.

Je n’ai rien contre la BD d’auteur et je comprend bien qu’en vieillissant, un art doit se raffiner. Mais je suis loin d’être certain que c’est ce qui est en train de se passer. En fait, nous vivons maintenant dans une économie de surproduction, ou on nous demande de tout faire de plus en plus vite! Vite! Il faut sortir un nouvel album “sinon les lecteurs vont oublier”. Pourquoi les éditeurs aiment tant les BD dites d’auteur maintenant, c’est qu’elles peuvent être vite dessinées. L’emphase est mis sur “le message” et non sur l’art. Mais je n’ai pas envie d’attaquer ce genre ou un autre en particulier. Comme je l’ai dit, le vrai problème est qu’on demande maintenant de surproduire pour combler une “demande” (fabriquée de toute pièce) et… tout ça m’éloigne de mon propos.

Moi, je n’ai jamais été un rapide. J’aime prendre mon temps pour faire des recherches graphiques. Recommencer quand ce n’est pas à la hauteur de ce que j’espérais. M’arrêter et réfléchir à la meilleure façon de représenter un mouvement. Créer une composition. Disposer les bulles dans une case pour que ce soit le plus fluide possible. Puis j’aime mettre plein de détails dans mes dessins, puis j’aime encrer à la plume et au pinceau. Lentement. J’aime observer. M’imprégner. Comprendre.

Tout ça pour dire que je ne suis plus à ma place dans le paysage de la bande-dessinée contemporaine. Si j’étais un auteur établi, dont les albums sont attendus et commandés à des centaines de milliers d’exemplaires des mois avant leur sortie, j’aurais sans doute les moyens de m’offrir le luxe d’être lent… Mais même encore, je suis certain que les éditeurs seraient anxieux d’une sortie prochaine pour rafler leur pourcentage. Le Monde a vraiment changé. Il n’y a plus de gloire au “travail bien fait”. La gloire vient maintenant quand ça rapporte de l’argent à ton employeur, le plus rapidement et le plus souvent possible. Et toujours plus.

Ça suffit pour moi. Je tire un trait sur la bande-dessinée. Je vais maintenant essayer de me trouver un travail où mes compétences et mon expérience pourront m’apporter ce que je n’ai jamais eu dans la BD: un salaire régulier, des weekends et des soirées libres, des congés payés, des assurances (chômage, maladie), et une pension de retraite, aussi petite soit-elle, car j’approche les 50 ans. En BD, à moins d’être un gros vendeur, d’avoir des produits dérivés et des adaptations audio-visuelles de ses créations, vous vivez au jour le jour. Avec rien derrière, et encore moins devant.

J’espère que je retrouverai maintenant le plaisir de dessiner… Pour le simple plaisir de me faire plaisir, ou de faire plaisir. Sans me sentir pris à la gorge, obligé de produire en vitesse pour une maison d’édition qui n’apprécie pas tout le travail et la minutie que ça demande, simplement pour réussir à payer mon loyer à la fin du mois.

Même sans tenir compte de l’état actuel de l’industrie, la vie d’un dessinateur n’est pas rose. Wallace Wood, un grand dessinateur de comics américain, avait dit dans une interview quelques temps avant sa mort: “Avoir su qu’être auteur de BD c’était se condamner à la prison, aux travaux forcés, et au confinement solitaire à perpétuité, je ne l’aurais jamais fait.” Écoutant ces sages paroles, je me tire pendant qu’il est encore temps.

C’est une décision que je prends avec tristesse, car faire de la bande-dessinée mon métier était mon rêve d’enfance. Mais la réalité de ce milieu, aujourd’hui, est loin d’être à la hauteur de mon rêve. Je réalise pleinement que je n’ai rien à apporter à la BD d’aujourd’hui. Vaut mieux pour moi arrêter les frais pendant qu’il me reste encore quelques années pour préparer ma vieillesse.

Merci à ceux et celles qui m’ont prodigué leurs encouragements et leur appui tout le long de mon chemin. Je peux vous assurer que ça aura compté beaucoup plus que le salaire que j’ai touché. Vos sourires, vos mots gentils, vos poignées de main, resteront dans mon coeur.

J’espère aussi que les rares albums que j’ai produit continueront à apporter quelques sourires à ceux et celles qui les trouveront et les achèteront dans les brocantes et les marchés aux puces…Yves Rodier

Jim Starlin & Joe Rubinstein

Joe Rubinstein m’a fait pleurer ce matin en postant cette planche sur Facebook. Cet “annual” avec Spiderman, la Chose, les Vengeurs, Warlock et Thanos fut le premier comics américains que j’ai possédé. Il avait été publié en grand format en France par Lug sous le titre “Au secours des Vengeurs”. Tout était si beau. J’étais âgé de 10 ans, et je l’ai lu et relu, observé et ré-observé tant de fois ! Ce livre a une place très spéciale dans ma vie. Il est l’un des rares qui ont fait de moi l’auteur et le dessinateur de bandes dessinées que je suis maintenant. Il est tellement important que j’en ai déjà parlé dans des interviews et des livres. Un milliard de mercis à Jim Starlin et Joe Rubinstein !

[ENGLISH] Joe Rubinstein made me cry this morning when he published this page on Facebook. This annual with Spiderman, the Thing, the Avengers, Warlock and Thanos was the first US comics I had. It was published in large size in France, and all looked so beautiful. I was 10 year old, and I have read it and read it again, observed and observed again so many time ! This book has a very special place in my life. It is one of the rare that have made me the comics artist and writer I’m now. It is so important that I have spoken of it in some interviews and books. One billion of thanks to Jim Starlin and Joe Rubinstein !

Pierre Wininger

Univers d’Okapi n°215 (1980)
© Bayard presse.

L’auteur de BD Pierre Wininger est décédé le jour de Noël.

Je ne le connaissais pas personnellement, mais j’éprouve une réelle tristesse. Déjà parce que j’adore ses albums, particulièrement les trois “Evergreen”. Mais surtout parce que, en tant qu’auteur, je lui dois la première étape décisive de ma compréhension de la Bande Dessinée. En effet, c’est en 1980, dans le journal Okapi que j’ai découvert que les BD ne se faisaient pas toutes seules. J’avais 10 ans, et j’ai lu et relu 1000 fois tous les conseils donnés par Pierre Wininger au très jeune auteur que j’étais. Ces 12 pages de l’Univers d’Okapi, je les ai toujours, et je les garde très précieusement, comme un fétiche porte bonheur.

Merci Monsieur Wininger, je ne vous oublierai jamais.

André Schiffrin

J’apprends avec tristesse le décès d’André Schiffrin. Grand éditeur américain puis petit éditeur indépendant, il avait une vision passionnante sur les dérives financières de l’édition. Nous avions eu le grand plaisir, avec Valérie, de l’écouter à Bruxelles il y a quelques années. Je ne saurais trop recommander à tous ceux qui s’interrogent sur le monde actuel de l’édition de lire L’édition sans éditeurs, écrit en 1999, une analyse visionnaire toujours d’actualité (et ses suites chez le même éditeur)