Un engagement pour les États Généraux

Oula, les chiffres effrayant de l’enquête auteurs des États Généraux de la Bande Dessinée, et le fait que je m’engage aussi visiblement contre cette précarité ont l’air d’inquiéter certaines personnes sur ma propre situation. Rassurez-vous, tout va très bien pour moi. Vu l’ambiance générale, je suis même ce qu’on pourrait appeler sans hésiter un auteur “riche” (sans être bien sûr un des rares millionnaires de la BD).

Je m’implique socialement non pas parce que je suis pauvre, ou même menacé de pauvreté. Je le fais pour plusieurs autres raisons :

1) J’ai été très très pauvre en début de carrière et je ne suis pas près de l’oublier.

2) J’ai les moyens de passer 3 mois par an (et donc d’y laisser 25% de mes revenus s’il le fallait) à organiser ces États Généraux, ce qui n’est pas le cas des précarisés qui triment déjà chaque heure de la journée pour s’en sortir.

3) Je pense que le succès repose principalement sur la chance d’avoir fait le bon truc au bon endroit et au bon moment. L’investissement, la prise de risque et le travail peuvent y participer, mais quand on sait le nombre d’auteurs qui ont travaillé comme des bêtes de somme pour ne rien obtenir… Quant à croire que son succès reposerait sur le talent, il suffit de penser à la difficulté de beaucoup d’artistes talentueux à trouver un public et à l’inverse à la célébrité du dernier des idiots de la téléréalité pour savoir que talent et succès sont juste totalement déconnectés. Si le succès tient avant tout de la chance, on ne peut pas se contenter de vivre sur son tas de dollars et de regarder les “malchanceux” mourir de faim.

4) J’ai la chance d’être connu et reconnu dans le milieu de la BD, d’être à l’aise avec les problématiques techniques, sociales, légales, avec les éditeurs, les journalistes, les libraires, les institutions, et de pouvoir donc peut-être faire changer des choses de l’intérieur. J’aurais du mal à dormir si je n’essayais pas. D’où mon investissement il y a 15 ans à la MDABD, puis pour la fondation d’un syndicat, et enfin aux EGBD.

5) J’aime, j’adore même la Bande Dessinée, dans toutes ses composantes et toutes ses différences. Et j’aimerais bien ne pas terminer ma carrière au milieu des ruines de Rome.

Voilà qui devrait éclaircir la situation et les raisons de mon engagement. Et je ne suis pas le seul, hein. Longue est la liste des auteurs qui ont donné de leur temps pour leurs pairs et la Bande Dessinée.